Les petites notes

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La Lex mercatoria

LA LEX MERCATORIA

GÉNÉRALITÉS SUR LA LEX MERCATORIA

Selon une partie de la doctrine dont les précurseurs sont « Goldman dans la doctrine française[1] et Schmitthoff dans la doctrine en langue anglaise[2] »[3] , il existerait une communauté internationale (societas mercatorum) qui aurait secrété son propre ordre juridique et aurait ainsi vocation à fonctionner de manière autonome, sans dépendre des ordres juridiques des États. Il se trouve même que l’ordre juridique créé par cette communauté, la lex mercatoria, entre en concurrence avec l’ordre juridique étatique et constitue une « menace pour l’ordre juridique international »[4]. De par sa nature en effet, la lex mercatoria est vue comme permettant à ses utilisateurs  « d’échapper à l’emprise de l’ordre juridique international »[5].

Les normes et règles constituant la lex mercatoria, seraient nées spontanément dans cette communauté de marchands[6]. Il apparaît en effet que « l’ensemble des techniques et des règles pré-offertes aux opérateurs du commerce international par l’ordre juridique international ne leur a pas suffi. Ils ont éprouvé le besoin de se doter d’autres normes, de se forger d’autres instruments, à la fois plus souples et plus précis, plus sûrs et mieux adaptés »[7]. Elle est donc l’œuvre de ses sujets comme le souligne B. Goldman lorsqu’il dit qu’il s’agit de « règles transnationales que les partenaires des échanges économiques interna­tionaux se donneraient progressivement à eux-mêmes »[8]. Ainsi, si on voit en la lex mercatoria une source du droit du commerce international, on n’hésite cependant pas à préciser qu’il s’agit d’une source spontanée. Cette spontanéité découle du fait que la lex mercatoria se forme en l’absence de toute autorité publique[9]. Partant, elle pourrait être définie comme étant un ensemble d'usages, de pratiques et de principes que les opérateurs du commerce international développent et s'efforcent de respecter (codes de bonne conduite) sans passer par le droit international privé et donc sans désignation de la loi étatique, sauf les lois de police et celles portant sur des questions d'ordre public. Elle est constituée de « règles transnationales, que les partenaires des échanges économiques internationaux se donneraient progressivement à eux-mêmes, notamment dans le cadre de leurs organismes professionnels, et que les arbitres, contractuellement désignés pour résoudre leurs litiges, constatent, et par là-même précisent, voire élaborent à leur intention »[10].

La question de la lex mercatoria est intimement liée à celle des sources du droit du commerce international si bien que certains auteurs observent qu’« il est classique de souligner l’importance du droit spontané parmi les sources du droit du commerce international »[11]. Dans ce contexte, « l'étude de la lex mercatoria est inséparable de l'étude des sources du droit du commerce international »[12]. Même si les usages et principes qui constituent la lex mercatoria sont d’origine variable, ils présentent tous un point commun, celui d’être « rassemblées sur le seul fondement de leur adéquation aux besoins du commerce international »[13]. Les règles d’origine étatique ou interétatique ne sont pas toujours adaptées aux enjeux et réalités de la scène économique internationale[14].

Points clés :

* Comment se forme la Lex mercatoria ?

On peut identifier au moins deux grands procédés de formation de la Lex mercatoria.

Le premier procédé est fondé sur la sélection des usages qui, en se généralisant, acquièrent un caractère obligatoire, voire normatif, dans la société des marchands. Il faut bien insister sur la nécessité pour l’usage considéré de présenter un caractère général dans la mesure où ne sont considérées que les règles « renforcées par une croissante généralité d’application »[15]. Ainsi, tous les usages suivis dans le cadre du commerce international n’ont pas le caractère de norme. Il faut à ce sujet distinguer les usages-conventions[16], dépourvus du caractère normatif, des usages-règles[17], dotés quant à eux d’un caractère normatif[18]. Ce sont ces derniers que les arbitres, saisis à l’occasion des litiges du commerce international, appliquent pour dégager la solution. Il faut bien se rappeler que les arbitres n’ont pas de for, et donc ne sont d’emblée prédisposés, au contraire des juges étatiques, à l’application d’une norme étatique particulière. Le rôle des arbitres est ainsi déterminant dans la formations du droit coutumier économique transnational ; ce sont eux qui constatent la réalité de ces usages, qui en précisent le contenu et parfois même les « élaborent » à l’attention des opérateurs du commerce international[19].

Le second procédé consiste en ce que, l’utilisation répétée par les opérateurs du commerce international, des règles modélisées, proposées par des institutions corporatives ou interétatiques (UNIDROIT, CCI, etc.), finit par transformer celles-ci en usages du commerce international. En effet, comme on le verra ci-dessous, ces règles modélisées, même si elles sont censées être le réceptacle de la Lex mercatoria, du moins, en tant que telles, ne s’appliquent pas d’office. C’est le fait d’y recourir généralement qui peut leur donner le caractère normatif qui caractérise la lex mercatoria.

On le voit bien, la spontanéité de la Lex mercatoria ne signifie pas qu’elle se forme instantanément. Elle est le fruit du temps, les usages, en plus d’être généraux, doivent être ancrés dans le temps et être « confirmés par l’expérience »[20]. Pour expliquer leur juridicité, B. Goldman faisait observer que la répétition des usages les élève « progressivement au rang d'institutions coutumières »[21].

* Quels sont ses caractères majeurs : spontanéité et transnationalité 

« La caractéristique principale de la lex mercatoria est qu'elle échappe à tout ordre juridique étatique, pour se former à l'intérieur d'une communauté transnationale d'opérateurs du commerce international. Elle constituerait ainsi un ensemble de normes « mondialisées », la norme mondialisée s'affirmant comme une solution juridique applicable dans l'espace international, indépendamment de la localisation de la situation qu'elle entend régir »[22]. Le caractère transnational est sévèrement contesté par un auteur pour qui, « dans la réalité juridique [...], il n’y a [...] ni droit anational, ni droit transnational, sauf si ce dernier est compris comme étant un fonds commun aux droits nationaux »[23].

* Il ne faut pas confondre les usages de la Lex mercatoria avec les règles modélisées :

Même s’il s’agit toutes de règles matérielles du commerce international, il y a lieu, strictu sensu, de comprendre qu’elles procèdent de réalités différentes.

D’une part, il faut préciser que les règles modélisées sont des règles matérielles spécialement conçues pour régir les échanges commerciaux internationaux, offertes à l'adhésion des opérateurs du commerce international[24]. Elles sont produites par des organismes investis à des degrés divers d'une mission d'intérêt général. Il y a en effet des organismes (CCI, Unidroit, CNUDCI par exemple) dont le rôle est de produire ces normes-modèles, des contrats-types et des lois-types. Celles-ci sont alors des règles conçues pendant que la Lex mercatoria se forme spontanément. La plupart des règles modélisées se présentent sous la forme d'un droit créé « d'en haut », la Lex mercatoria, quant à elle, est un droit venu « d'en bas »[25].

D’autre part, il faut relever que les règles modélisées ne sont ni impératives ni supplétives. Autrement dit, elles ne s’imposent pas aux parties et n’ont aucune vocation à s’appliquer en l’absence de leur volonté[26]. Leur application à un contrat est donc en principe subordonnée à l’acceptation expresse des parties ; elles doivent donc être contractualisées (opt-in). En revanche, en tant que telle, la Lex mercatoria s’impose aux acteurs du commerce international[27]. En effet, la constance et la généralité des usages autorisent à considérer que les parties (censées les connaître) peuvent – et doivent – raisonnablement s’attendre à ce qu’ils gouvernent leurs relations, sauf clause contractuelle contraire (opt-out). C’est, fondamentalement, la raison pour laquelle on reconnaît à chacune des parties le droit d’opposer à l’autre l’existence d’un usage du commerce international[28].

LA QUESTION DE LA JURIDICITÉ DE LA LEX MERCATORIA

On peut se poser une question, celle de la juridicité[29] de la Lex Mercatoria. En effet, faire référence à la Lex Mercatoria pour résoudre des litiges signifie qu’on la traite comme étant une véritable source du droit. Serait-ce vraiment le cas ? Face à cette question, la doctrine est partagée. Le statut de la Lex mercatoria ne fait donc pas l’unanimité.

* LES OPPOSANTS à LA THÈSE DE LA JURIDICITÉ DE LA LEX MERCATORIA

S’il est indéniable que les éléments avancés pour soutenir la réalité de la lex mercatoria, notamment les usages et des contrats-types, sont visibles, il n’en demeure pas moins que l’idée qu’ils consacreraient ou présupposeraient l’existence d’un ordre juridique autonome et propre au commerce international est difficile à admettre pour une partie de la doctrine. Certains auteurs relèvent en effet, avec force, que lesdits éléments « sont loin de former un système juridique un tant soit peu complet et organisé »[30]. Pour d’autres auteurs dont les idées s’inscrivent en faux contre l’idée de l’existence d’un ordre juridique autonome, la Lex Mercatoria serait une source d’arbitraire, par ailleurs incohérente et décevante[31]. Allant un peu plus loin, un partisan de cette logique souligne que la lex mercatoria est une théorie à la fois fausse et inutile[32]. Pour illustrer son propos, cet auteur fait observer que le même litige posé devant des arbitres différents peut être aussi l’objet de solutions différentes[33]. Les arbitres ne donnant pas forcément au même principe, la même signification ou le même contenu[34]. Par exemple, les arbitres C.C.I. n'étant pas informés des sentences rendues par d'autres arbitres, la C.C.I. n'ayant elle-même ni le pouvoir, ni le souhait, d'harmoniser les décisions des tribunaux arbitraux, qui sont indépendants, chaque sentence était prononcée sans considération des autres sentences. « On peut donc difficilement parler de jurisprudence arbitrale »[35]. Pour illustrer cette incohérence de la Lex mercatoria,  un auteur fait observer qu’au nom de la bonne foi on proclame la force obligatoire des contrats ; et au nom de ce même principe, on admet la théorie de la révision du contrat[36]. L'objection la plus courante, ou du moins la plus sérieuse, à la juridicité de la Lex Mercatoria et au recours qu’y font les arbitres, a trait, non pas à quelque empêchement logique[37] ou philosophique, mais bien à l'absence de contenu précis prêté à ces ensembles normatifs et au pouvoir discrétionnaire de facto que leur application peut engendrer[38].

Aussi, on lui reproche de ne pas présenter les caractères d’un ordre juridique complet[39] ; ainsi, qui en serait le législateur ? Par ailleurs, il n’existe aucun « Tribunal planétaire du commerce international » chargé d’appliquer et harmoniser l’application de la Lex Mercatoria et dont la compétence serait obligatoire[40]. Cependant, étant donné que de par sa définition même, la Lex Mercatoria est constituée d’usages et de principes généraux de droit, Antoine KASSIS s’interroge sur le point de savoir si un arbitre international a besoin d’un ordre juridique[41] pour appliquer les usages[42], ce qui contribue à soutenir l’inutilité de la conception de la lex mercatoria en tant qu’ordre juridique. L’arbitre n’ayant pas de for, point n’est besoin pour lui de se soumettre à un ordre juridique précis. Une étude invite par ailleurs à « observer qu'en dépit de la reconnaissance timide dont elle a fait l'objet de la part de certaines législations et de certaines juridictions nationales (pour la France : Cass. 1re civ. 22 oct. 1991, JDI 1992. 177, note B. Goldman) la lex mercatoria demeure une notion marginale »[43].

Davantage, un auteur avance qu’il paraît inéluctable que la Lex Mercatoria, quel que soit son devenir, sera toujours incomplète. Il est, en effet, inconcevable que certaines règles étatiques puissent être écartées, non seulement en matière de fiscalité et protection sociale, mais aussi en ce qui concerne la création de droits réels. C’est ce qui justifie que, dans la définition qui a été proposée dans le cadre de cette note, il a été indiqué qu’elle ne s’applique que sous réserve des lois de police ou d’ordre public. Par ailleurs, force est de constater que la Lex Mercatoria n’est capable de créer des droits ou d'imposer des obligations que si, et seulement si, comme nous l'avons vu, les ordres juridiques nationaux veulent bien l'admettre, soit en appliquant la Lex Mercatoria directement, soit en entérinant les sentences arbitrales qui l'appliquent[44]. Par ailleurs, il faut observer que l’exécution des sentences arbitrales ayant appliqué les usages du commerce international ne peut être déconnectée des moyens de coercition étatiques[45], ce qui permet de dire que la Lex mercatoria ne saurait donc constituer un ordre juridique autonome, elle a besoin du droit étatique pour conforter son application et son effectivité. Mieux, la Lex mercatoria montre « se nourrit des ordres juridiques étatiques »[46].

Le postulat de l’existence d’une societas mercatorum est lui aussi bien discuté, privant ainsi la thèse de la juridicité de la lex mercatoria d’un pilier essentiel. En effet, considérant « l’extrême diversité des secteurs d’activité et l’hétérogénéité des acteurs du commerce international, il est douteux que l’idée d’une communauté internationale des marchands corresponde à la réalité[47]. Et à supposer même qu’une telle communauté existe, il faudrait observer qu’elle ne semble guère désireuse d’être gouvernée par la lex mercatoria, puisque même dans l’arbitrage international, l’hypothèse de loin la plus fréquente est celle où les parties ont expressément fait le choix de soumettre leur contrat à un droit étatique[48] »[49].

* LES PARTISANS DE LA JURIDICITE DE LA LEX MERCATORIA 

Pour ceux-ci, les usages ne sont pas seulement des éléments de fait, leur valeur juridique étant souvent consacrée par la loi. Sur le plan interne (voir article 1135[50] du code civil), et, sur le plan international, plusieurs Textes[51] (Vienne, Rome, Haye…) renvoient expressément aux Usages du commerce international, expression visant sans doute la Lex Mercatoria. En faveur de la juridicité de la Lex Mercatoria, il est avancé tant par une partie de la doctrine de même que par certaines législations que l’arbitre international est affranchi dans sa mission, de toute règle de conflit et dispose de la faculté de choisir d’une manière discrétionnaire et directe les règles de droit qu’il juge appropriées sans que ces règles soient nécessairement celles d’un droit national[52]. Il s’agit ainsi de soutenir que les arbitres internationaux peuvent trancher les litiges par application des principes de la Lex Mercatoria. Cette possibilité ressort quasi clairement de l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage dans le cadre du Traité OHADA qui dispose en son article 15, alinéa 1er que : « Le tribunal arbitral tranche le fond du différend conformément aux règles de droit choisies par les parties. À défaut de choix par les parties, le tribunal arbitral applique les règles de droit qu'il estime les plus appropriées en tenant compte, le cas échéant, des usages du commerce international ». De même, selon un auteur, il n’y a pas que devant les arbitres internationaux que la Lex Mercatoria trouve grâce. En effet, les juges étatiques appliqueraient ou reconnaitraient aussi la Lex Mercatoria. Sur ce point, il faut bien observer que, lorsqu’elle est appelée à donner l’exéquatur pour rendre exécutoire une sentence arbitrale, la jurisprudence française considère qu’a tranché en droit, et non en équité[53], l’arbitre qui a fondé sa décision sur l’application des usages et principes du commerce international[54]. Saisies de recours dirigés contre des arbitres non investis du pouvoir de statuer en amiable compositeur, leur reprochant d’avoir violé leur mission en statuant sur la base des usages du commerce international, les juridictions françaises ont rejeté lesdits recours, admettant ainsi la normativité des usages du commerce international[55]. Autrement dit, l’arbitre qui statue sur la base de la Lex mercatoria a tranché en droit.

En adoptant une telle position, inévitablement pour certains auteurs, « la Cour de cassation a manifesté sa propre admission de l'existence de la lex mercatoria »[56]. On peut dès lors conclure que, en décidant selon les usages et principes applicables dans le commerce international, les arbitres n'avaient ni en fait, ni en droit statué comme amiable compositeur[57]. Appliquer la lex mercatoria, ce n’est donc pas trancher en équité.

Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’un juge étatique applique directement les usages du commerce international dans la mesure où, comme le souligne justement un auteur, sa mission première « n’est pas de faire respecter la loi étatique mais de trancher les litiges, et ce faisant, il ne fait pas que respecter la loi étatique, il tient compte de conventions, des usages et des coutumes »[58].

Davantage, il est soutenu et démontré que la Lex mercatoria, est un Droit « spontané » « formé d’usages professionnellement codifiés, de montages juridiques et de clauses contractuelles » dont la répétition et l’effectivité rend aptes à accéder au rang de véritables règles coutumières[59]. Aussi, à l’argument avancé par les détracteurs et relatif à l’absence d’une véritable jurisprudence arbitrale, vecteur essentiel des principes de la Lex Mercatoria, une objection s’élève aujourd’hui. Des auteurs[60] observent que, de plus en plus, les arbitres, dans leurs missions, se réfèrent aux sentences antérieures[61]. Cette situation étant le plus favorisée par le fait de la publication constante des sentences dans des recueils dédiés à l’instar du Clunet. Bien plus concernant la question de l’absence de prévisibilité avancée par les détracteurs de la thèse de la juridicité, un partisan de la thèse de la juridicité de la Lex mercatoria avance que « le fait qu’il soit opportun qu’un ordre juridique soit prévisible n’en fait pas une caractéristique relevant de son essence »[62], ainsi, pour lui, la prévisibilité ne constitue pas un critère essentiel d’un ordre juridique.

La thèse de la juridicité de la Lex Mercatoria s’enrichit avec le temps et se révèle être dominante à en juger le nombre de décisions arbitrales y ayant fait référence.

La Lex Mercatoria est-elle indispensable ? La question nous effleure l’esprit du fait que, la vocation de la Lex Mercatoria est avant tout de créer un corps de règles adaptées à la société internationale des marchands. Un auteur en déduit que cet objectif ne peut qu’insinuer l’incapacité des systèmes étatiques à régir les activités commerciales internationales. Postulat qui, selon lui, ne serait pas avéré, puisqu’il constate que : « Chaque ordre juridique peut parfaitement prendre conscience de ses besoins et y satisfaire lui-même en soumettant les relations internationales à des règles matérielles différentes de celles qui régissent les relations internes »[63]. Cette position est soutenue par des exemples éloquents de jurisprudence ou de législations qui font bel et bien une distinction entre le commerce interne et le commerce international[64]. Contre cette objection, nous pensons qu’il ne serait pas abusif d’en formuler une autre. C’est en effet que les principes dégagés par la Lex Mercatoria permettent de trancher directement les litiges sans faire courir aux parties le risque de se voir appliquer, à travers la méthode conflictuelle, une loi qui les priverait des attentes légitimes qu’elles espéraient du contrat. Par ailleurs, un autre courant doctrinal relève qu’il est « impossible de soutenir aujourd'hui que le commerce international serait uniquement régulé par des lois étatiques, elles-mêmes désignées par la règle de conflit de lois du Juge saisi, ou par des règles issues du droit international (droit uniforme) lorsque de telles règles existent »[65]. De manière générale, nous constatons que, la spécificité du commerce international exigeant des normes détachées des droits nationaux[66], la Lex Mercatoria, du fait de son autonomie, pourrait, sans être indispensable, contribuer à mieux sécuriser les relations commerciales internationales et favoriser une résolution efficace des litiges internationaux.

Il ne fait plus de doute que le débat relatif à la normativité de la lex mercatoria a été remporté par les partisans. Cependant, l’idée selon laquelle la lex mercatoria constituerait un ordre juridique autonome se heurte encore à de sérieux obstacles théoriques et pratiques[67]. En ce sens, un auteur écrit : « Il est permis de penser que la lex mercatoria ne remplit pas ces conditions de façon déterminante et absolue. Les normes qui en proviennent sont des règles de droit, mais leur force intrinsèque est relative. Leur rapprochement forme une juxtaposition de règles, beaucoup plus qu’un ensemble complet et cohérent »[68].

 


[1] V. not. : B. Goldman, « Frontières du droit et lex mercatoria », Arch. phil. dr. 1964, t. 9, p. 177 – « La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux : réalités et perspectives », JDI 1979. 475 – « Nouvelles réflexions sur la lex mercatoria », in Études de droit international en l’honneur de Pierre Lalive, éd. Helbing et Lichtenhahn, p. 241.

[2] V. not. C.M. Schmitthoff, « International Business Law, A New Law Merchant », Current Law and Social Problems, 1961, p. 137 – « The Unification of the Law of International Trade », J. BUS. L., 1968, p. 105. Sur la naissance et l’histoire de la Lex mercatoria en tant que doctrine, v. not. : N.E. Hatzimihail, « The Many Lives – and Faces – of Lex Mercatoria : History as Genealogy in International Business Law », Law and Contemporary Problems, vol. 71, 2008, p. 169-190 – G. Cuniberti, « Three Theories of Lex Mercatoria », 52 Columbia Journal of Transnational Law 369 (2014).

[3] Cf. M. AUDIT, S. BOLLÉE et P. CALLÉ, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2ème édition, LGDJ, Domat Droit privé, n° 26.

[4] J. Béguin, "Le développement de la lex mercatoria menace-t-il l'ordre juridique international", Revue de droit de McGill, vol. 30, 1985.

[5] J. Béguin, "Le développement de la lex mercatoria menace-t-il l'ordre juridique international", Revue de droit de McGill, vol. 30, 1985.

[6] Il faut toutefois préciser que la Lex mercatoria n’est pas l'ensemble des règles matérielles aptes à gouverner les relations économiques internationales. Ces règles sont en effet, pour une bonne part, de sources interétatiques à l’instar des Conven­tions portant loi uniforme (Convention de Vienne du 11 avril 1980 CVIM par exemple), ou étatiques : textes législatifs comme le Code tchécoslovaque de 1963 ou jurisprudences nationales propres au commerce international. cf. B. Goldman, « La lex mercatoria dans les contrats et l'arbitrage internationaux : réalité et perspectives », In Droit international privé : travaux du Comité français de droit international privé, 2e année, 1977. 1980. pp. 221-270, https://www.persee.fr/doc/tcfdi_1140-5082_1980_num_2_1977_1843.

[7] J. Béguin, "Le développement de la lex mercatoria menace-t-il l'ordre juridique international", Revue de droit de McGill, vol. 30, 1985.

[8] B. Goldman, «Frontières du droit et ‘lex mercatoria»’ (1964) 9 Archives de philosophie du droit 177 ; B. Goldman, « La lex mercatoria dans les contrats et l’arbitrage internationaux : réalité et perspectives» (1979) 106 Clunet 475.

[9] « La singularité de ce droit matériel est qu'il est un « droit spontané », créé par les opérateurs du commerce international ou par leurs juges, les arbitres, hors l'activité normative des États », ÉRIC LOQUIN, ‘’ (Le droit modélisé :) Les rapports avec la lex mercatoria’’, Petites affiches, 18 décembre 2003 n° 252, P. 63.

[10] cf. B. GOLDMAN, ‘’La lex mercatoria dans les contrats et l'arbitrage internationaux : réalité et perspectives’’, In: Droit international privé : travaux du Comité français de droit international privé, 2ème année, 1977. 1980. pp. 221-270, doi : https://doi.org/10.3406/tcfdi.1980.1843; https://www.persee.fr/doc/tcfdi_1140-5082_1980_num_2_1977_1843.

[11] cf. M. AUDIT, S. BOLLÉE et P. CALLÉ, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2ème édition, LGDJ, Domat Droit privé, n° 25.

[12] J.-M. JACQUET, Ph. DELEBECQUE et S. CORNELOUP, Droit du commerce international, 3ème édition, Précis Dalloz, 2015, n° 90, p. 58.

[13] ÉRIC LOQUIN, ‘’ (Le droit modélisé :) Les rapports avec la lex mercatoria’’, Petites affiches, 18 décembre 2003 n° 252, P. 63.

[14] Par exemple, « le commerce du blé ou les transferts de technologie ne posent pas les mêmes problèmes et n’ont pas les mêmes exigences à l’échelle internationale et à celle du commerce intérieur. La négociation internationale se pratique sous des contraintes propres aux marchés mondiaux. L’exportation comporte des risques financiers, techniques et juridiques d’une autre dimension — sinon d’une autre nature — que celle du commerce de ville à ville à l’intérieur d’un État. L’appel aux marchés financiers exige des instruments et des méthodes d’une portée beaucoup plus vaste — et peut-être d’un autre ordre — lorsqu’il est pratiqué à l’échelle mondiale ». cf. J. Béguin, "Le développement de la lex mercatoria menace-t-il l'ordre juridique international", Revue de droit de McGill, vol. 30, 1985, pp. 482-483.

[15] J. Béguin, "Le développement de la lex mercatoria menace-t-il l'ordre juridique international", Revue de droit de McGill, vol. 30, 1985, p. 483.

[16] Ils ne sont obligatoires que lorsque les parties y ont fait référence ou sont censés y avoir fait référence parce qu’elles les suivent régulièrement. Ils n’ont donc de valeur qu’entre les parties qui les suivent dans leurs rapports particuliers.

[17] Ils sont caractérisés par leur généralité et leur portée étendue. Ils peuvent s’appliquer même en l’absence du choix des parties quand bien même celles-ci ne les ont jamais appliqués.

[18] Olivier Cachard,,Droit du commerce international, Manuel, LGDJ, 2008.

[19] J. Béguin, "Le développement de la lex mercatoria menace-t-il l'ordre juridique international", Revue de droit de McGill, vol. 30, 1985, p. 481.

[20] J. Béguin, "Le développement de la lex mercatoria menace-t-il l'ordre juridique international", Revue de droit de McGill, vol. 30, 1985, p. 483.

[21] Cf. ÉRIC LOQUIN, ‘’ (Le droit modélisé :) Les rapports avec la lex mercatoria’’, Petites affiches, 18 décembre 2003 n° 252, P. 63.

[22] ÉRIC LOQUIN, ‘’ (Le droit modélisé :) Les rapports avec la lex mercatoria’’, Petites affiches, 18 décembre 2003 n° 252, P. 63.

[23] A. Kassis, Théorie générale des usages du commerce (1984) à la p. 578.

[24] ÉRIC LOQUIN, ‘’ (Le droit modélisé :) Les rapports avec la lex mercatoria’’, Petites affiches, 18 décembre 2003 n° 252, P. 63.

[25] ÉRIC LOQUIN, ‘’ (Le droit modélisé :) Les rapports avec la lex mercatoria’’, Petites affiches, 18 décembre 2003 n° 252, P. 63.

[26] La sentence C.C.I. no 8873 a bien mis en exergue cette position à propos des solutions contenues dans les conditions F.I.D.I.C. et E.N.A.A. il y est notamment précisé ceci : « en ce qui concerne les conditions générales invoquées par la demanderesse, il faut souligner qu'il s'agit de contrats types, qui ne s'appliquent, en principe, que lorsque les parties ont expressément ou implicitement démontré leur intention de soumettre leur contrat aux conditions générales en question. Certes, les principes contenus dans des contrats types utilisés avec grande fréquence dans une certaine branche peuvent devenir, en vertu de leur répétition constante, des véritables usages. Toutefois, pour arriver à une telle conclusion, il faut prouver que le principe en question représente désormais une règle qui s'impose, sans nécessité d'accord, aux entreprises de la branche dans laquelle il est appliqué (...). Le principe selon lequel le maître de l'ouvrage doit prendre en charge les coûts supportés par l'entrepreneur en conséquence de la force majeure ne s'applique, dans le cadre des contrats types, que dans certaines situations exceptionnelles de force majeure (...). Tout ceci montre clairement que les principes contenus dans les conditions précitées ne sont pas encore mûrs pour se transformer en une règle uniforme et autonome capable de s'imposer comme usage ». citée par ÉRIC LOQUIN, ‘’ (Le droit modélisé :) Les rapports avec la lex mercatoria’’, Petites affiches, 18 décembre 2003 n° 252, P. 63.

[27] cf. M. AUDIT, S. BOLLÉE et P. CALLÉ, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2ème édition, LGDJ, Domat Droit privé, n° 25. « Les usages du commerce international s’appliquent a priori sur un mode bien différent de celui des règles modèles élaborées, notamment par la CCI (cf. supra, no 22). Ces règles, « offertes à l’adhésion des opérateurs du commerce international » (E. Loquin, « Les règles matérielles du commerce international », Rev. arb. 2005. 442, spéc. p. 448), sont conçues pour s’appliquer lorsque les parties ont exprimé la volonté d’y soumettre leur relation contractuelle ; les usages, au contraire, ont vocation à s’appliquer de plein droit, sans qu’il soit nécessaire d’établir que les parties se sont effectivement accordées sur leur application ».

[28] On donne parfois un fondement un peu différent à la solution, en faisant valoir que l’applicabilité des usages correspond à la volonté tacite des parties (comme le laisse comprendre l’art. 9, al. 2 CVIM). Cf. M. AUDIT, S. BOLLÉE et P. CALLÉ, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2ème édition, LGDJ, Domat Droit privé, n° 25

[29] Caractère de ce qui relève du droit. Cf. Gérard Cornu, Association Henri Capitant, Vocabulaire Juridique, 8ème édition, 2009.

[30] M. AUDIT, S. BOLLÉE et P. CALLÉ, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2ème édition, LGDJ, Domat Droit privé, n° 27.

[31] Emmanuel GAILLARD, Trente ans de Lex Mercatoria Pour une application sélective de la méthode des principes généraux du droit, Journal du Droit international, 122e année (1995), No 1 -  Janvier-Février-Mars

[32] A. KASSIS, Théorie générale de l'usage de commerce. Droit comparé, contrats et arbitrages internationaux, lex mercatoria, 1984, LGDJ.

[33] On pourrait rétorquer en disant que même dans l’ordre juridique étatique, des juridictions différentes ne donnent pas toujours des solutions identiques aux mêmes problèmes. Malgré cela, on sera néanmoins amené à comprendre qu’heureusement, dans le système étatique, la Cour suprême va harmoniser la jurisprudence en fixant le sens de l’interprétation des lois.

[34]  Comme le souligne Pierre MEYER, « en l'absence d'une cour régulatrice, et compte tenu de la culture juridique hétérogène des arbitres: chacun a tendance à donner à la lex mercatoria un contenu proche des solutions de son propre droit national ». En cela nous pensons que la juridicité de la lex mercatoria prend un coup. Elle ne forme pas un système uniforme et cohérent. Son contenu est très flexible et son application ne fait pas l’objet d’un véritable contrôle régulateur et harmonisateur (comme les systèmes de droit nationaux avec la Cour suprême ou communautaire avec la CJC ou la CCJA pour les cas de la CEMAC et de l’OHADA).

[35] Cf. R. Thompson et Y. Derains, Introduction, Clunet, 1974.878.

[36] Dans une affaire, le tribunal arbitral, constitué sous l’égide de la CCI, a affirmé que la lex mercatoria « donne effet à la théorie de l’imprévision qui procède du principe que la règle pacta sunt servanda trouve sa limite dans le principe supérieur de la bonne foi ». Pour ce tribunal arbitral, « il est manifestement contraire à la bonne foi et, partant, abusif de maintenir des obligations imposées au débiteur par le contrat si les circonstances existant lors de sa conclusion se sont modifiées à un point tel que l’économie de ce contrat se trouve bouleversée ». Sentence rendue sous l’égide de la CCI, n° 4761, 1987, JDI, 1987, p. 1012, obs. S. Jarvin.

Dans une autre sentence, il a été expressément affirmé que « c’est une règle de la lex mercatoria que les prestations restent équilibrées sur un plan financier ». Sentence, CCI, n° 2291, JDI, 1976.

De ces deux décisions illustratives de la tendance jurisprudentielle de l’arbitrage international, on peut déduire que, même en l’absence des clauses d’aménagement par les parties, lorsqu’il survient un événement perturbant l’équilibre contractuel, la partie la plus diligente peut , sur le fondement du principe de bonne foi, solliciter devant l’arbitre un réaménagement. Mais, aussi, nous devons garder à l’esprit que les décisions ci-dessus sont fondées sur la lex mercatoria, en conséquence, si une loi avait été choisie par les parties, c’est selon ses dispositions que le juge/arbitre devra trancher.

[37] Comme la Lex Mercatoria, d’autres sources de droit sont d’origine spontanée à l’instar de la coutume. Donc, on ne peut logiquement se fonder sur son origine spontanée pour s’opposer à la juridicité de la Lex Mercatoria.

[38] Fabien GÉLINAS, ‘’La jurisprudence arbitrale de la CCI et les principes d'Unidroit’’, in Gazette du Palais, 02 décembre 2000 n° 337, P. 37.

[39] Critique rappelée par Emmanuel Gaillard ; ‘’Trente ans de Lex  Mercatoria, Pour une application sélective de la méthode des principes  généraux du droit’’, in Journal du Droit international, 122e année (1995), No 1 -  Janvier-Février-Mars.

[40] Cf. PAULSSON, Jan, « La Lex Mercatoria dans l‘Arbitrage C.C.I », Rev.d.Arb. 1990. at 55 et seq. www.trans-lex.org/127800

[41] Un ordre juridique peut se définir comme « un ensemble structuré de normes revêtant tous les degrés d’impérativité et susceptibles de répondre à l’ensemble des questions relevant de la matière qu’il prétend régir ; capable de concevoir ses sources ; possédant des sujets et des organes susceptibles d’assurer la mise en oeuvre des normes qu’il génère ; et satisfaisant à une condition minimale d’effectivité ». Cf. Gaillard (Emmanuel), ‘’ L’ORDRE JURIDIQUE ARBITRAL : RÉALITÉ, UTILITÉ ET SPÉCIFICITÉ’’, contribution à la Conférence commémorative John E.C. Brierly donnée le 24 septembre 2009 à la Faculté de droit de l’Université McGill à Montréal.

[42] Voilà sans doute pourquoi il peut affirmer que la théorie de la lex mercatoria est inutile.

[43] MOHAMED SALAH M. MAHMOUD, ‘’Usages commerciaux’’, Répertoire de droit commercial, Dalloz, octobre 2007 (dernière mise à jour : septembre 2011)

[44] Cf. PAULSSON, Jan, « La Lex Mercatoria dans l‘Arbitrage C.C.I », Rev.d.Arb. 1990. at 55 et seq. www.trans-lex.org/127800

[45] Cf. M. AUDIT, S. BOLLÉE et P. CALLÉ, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2ème édition, LGDJ, Domat Droit privé, n° 25.

[46] ÉRIC LOQUIN, ‘’ (Le droit modélisé :) Les rapports avec la lex mercatoria’’, Petites affiches, 18 décembre 2003 n° 252, P. 63.

[47] V. par ex. D. Bureau, op. cit., no 545 et s.

[48]            (46) V. en ce sens les statistiques publiées dans le Bulletin de la Cour internationale d’arbitrage de la CCI, 2005, vol. 16/1, p. 11. V. aussi White & Case, 2010 International Arbitration Survey : Choices in International arbitration, spéc. p. 15 – G. Cuniberti, op. cit., p. 22.

[49] M. AUDIT, S. BOLLÉE et P. CALLÉ, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2ème édition, LGDJ, Domat Droit privé, n° 27

[50] Cette article dispose : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les autres que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ».

[51] Selon l’article 7 alinéa 2, de la Convention de Genève (15 février 1983) sur la représentation en matière de vente internationale de marchandises Ils sont réputés, sauf convention contraire, s'être tacitement référés à tout usage dont ils avaient ou devaient avoir connaissance et qui, dans le commerce international, est largement connu et régulièrement observé par les parties à des rapports de représentation de même type dans la branche commerciale considérée.

Voir aussi les articles 9 al. 2 (CVIM), 9 al. 2 (Convention portant loi uniforme sur la vente internationale d'objets mobiliers corporels, Haye 1er juillet 1964). Selon la plupart de ces textes, le terme ‘’usages’’ renvoie aux manières de faire que des personnes raisonnables de même qualité placées dans leur situation considèrent normalement comme applicables à la formation de leur contrat.

[52] Voir, Antoine Kassis, Problèmes de base de l’arbitrage en droit comparé et en droit international, T.1, LGDJ, 1987, P.11.

[53] Cf. J.-M. JACQUET, Ph. DELEBECQUE et S. CORNELOUP, Droit du commerce international, 3ème édition, Précis Dalloz, 2015

[54] Paris, 12 juin 1980, Rev. arb. 1981. 292, note G. Couchez ; JDI 1982. 931, note B. Oppetit – Cass. 2e civ., 9 décembre 1981, Rev. arb. 1982. 183, note G. Couchez ; JDI 1982. 931, note B. Oppetit ; JCP 1983. I. 19971, note P. Level ; D. 1983. 238, note J. Robert – TGI Paris, 4 mars 1981, JDI 1981. 836, note Ph. Kahn ; Rev. arb. 1983. 465, chron. B. Goldman p. 379 – Douai, 18 avril 1991, JDI 1993. 360, note Ph. Kahn – Paris, 13 juillet 1989, Rev. arb. 1990. 663, note P. Lagarde ; Rev. crit. DIP 1990. 305, note B. Oppetit ; JDI 1990. 430, note B. Goldman – Cass. 1re civ., 22 octobre 1991, Rev. crit. DIP 1992. 113, note B. Oppetit ; JDI 1992. 177, note B. Goldman ; RTD com. 1992. 171, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin. Plusieurs décisions ont été rendues à l’étranger dans des affaires similaires : la tendance générale a été favorable à la reconnaissance des sentences, mais il n’y a pas eu de prise de position claire sur la question de l’existence de la lex mercatoria (v. J.-F. Poudret et S. Besson, Comparative Law of International Arbitration, 2e éd., Thomson Sweet & Maxwell, 2007, no 701, 703. Adde D. Rivkin, « Enforceability of awards based on lex mercatoria », Arb. Int. 1989, vol. 9, p. 67, spéc. p. 75 et s.); cités par M. AUDIT, S. BOLLÉE et P. CALLÉ, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2ème édition, LGDJ, Domat Droit privé, n° 28.

À titre d’illustration, dans une affaire, la Cour de Cassation Française a affirmé de manière claire la juridicité de la Lex Mercatoria. Elle permet ainsi aux parties de soumettre leur contrat à la Lex Mercatoria et autorise les arbitres à l’appliquer directement dans leurs sentence (Cass. 22 octobre 1991, Arrêt Valenciana). Ainsi, un arbitre qui a reçu mission de trancher le litige en droit peut valablement fonder sa décision sur les principes du droit international dégagés par la pratique et reconnus par la jurisprudence, donc la Lex Mercatoria.

De même, la Cour suprême d'Autriche a rejeté un recours tendant à l’annulation d’une sentence arbitrale rendue sur la base de la lex mercatoria : 18 novembre 1982, Norsolor S.A. cl Pabalk Ticaret in 1983 Recht der Internationalen Wirtschaft 29, 868 ; Clunet, 1983.645, note Seidl-Hohenveldern.

[55] CA Paris, affaire Norsolor, (19 nov. 1982, Rev. arb. 1983. 466 ; Cour de cassation, 9 oct. 1984, Rev. crit. DIP 1985. 551, note B. Dutoit ; JDI 1985. 679, note Kahn, Rev. arb. 1985. 431, note Goldman.

[56] J.-M. JACQUET, Ph. DELEBECQUE et S. CORNELOUP, Droit du commerce international, 3ème édition, Précis Dalloz, 2015, n° 1144, p. 897.

[57] cf. B. Goldman, « Une bataille judiciaire autour de la Lex Mercatoria », Rev. arb. 1983. 379.

[58] Voir Antoine Kassis, Théorie des usages du commerce, droit comparé, contrats et arbitrage internationaux, Lex Mercatoria ; LGDJ, 1984, P. 106.

« La Lex Mercatoria serait composée à titre principal par les usages issus de la pratique et souvent formalisés par les associations regroupant les opérateurs du commerce international et par les principes dégagés par les sentences des arbitres du commerce international ». cf. Jean-Claude Dubarry et Eric Loquin, note sous Cass. Civ. 22 oct. 1991, Compania Valenciana de Cementos Portland SA, inédit, RTD Com. 1992 p.171

[59] Cf. Berthold GOLDMAN, Frontières du Droit et lex mercatoria, Archives de Philosophie du Droit, 1964, p. 177, s. Contra : H. KENFACK, Droit du commerce international, 5ème édition, Dalloz, Mémentos, 2015, p. 13.  « Il est difficile d'admettre que les usages du commerce international sont des règles de droit. Ils ont toutefois une valeur supérieure aux simples stipulations contractuelles ».

[60] Cf. Y. Derains, Observations, Clunet, 1981.914. Voir aussi du même auteur « Les normes d'application immédiate dans la jurisprudence arbitrale internationale », in Le droit des relations économiques internationales, 29, 30. (Liber amicorum B. Goldman, 1982).

[61] Par exemple, Voir affaires C.C.I. 3627/1979, VII Yearbook, 96 (1982) ; 5103/1988, Clunet, 1988. 1206.

[62]Cf. Gaillard (Emmanuel), ‘’ L’ORDRE JURIDIQUE ARBITRAL : RÉALITÉ, UTILITÉ ET SPÉCIFICITÉ’’, contribution à la Conférence commémorative John E.C. Brierly donnée le 24 septembre 2009 à la Faculté de droit de l’Université McGill à Montréal.

[63] Cf. GAILLARD (Emmannuel), Trente ans de Lex Mercatoria Pour une application sélective de la méthode des principes généraux du droit, Journal du Droit international, 122e année (1995), No 1 -  Janvier-Février-Mars.

[64] L’exemple le plus célèbre reste celui de l’admission en droit international des clauses- or ou  valeur-or, prohibées en  droit interne, Cass.  civ.  21 juin  1950 : Rev.  crit. DIP  1950, 609, note H. Batiffol, et en dernier lieu, le commentaire de B. Ancel et Y. Lequette : Grands arrêts  de  la jurisprudence française  et  droit  international privé,  1992, no 23, mais  il y  en aurait bien  d’autres.

[65] cf. J.-M. JACQUET, Ph. DELEBECQUE et S. CORNELOUP, Droit du commerce international, 3ème édition, Précis Dalloz, 2015, n° 92, p. 58.

[66] Cf. NJEUFACK TEMGWA René, cours de DCI, FSJP-Uds, Master I, Droit des Affaires et de l’Entreprise, 2010-2011.

[67] Un auteur résume bien la situation : « Pour trancher le débat, il faut au préalable adopter une conception claire de la lex mercatoria. Deux conceptions sont possibles ;

-         la lex mercatoria est envisagée comme un ordre juridique distinct, à côté de l'ordre juridique étatique. Dans cette conception, elle est difficile à admettre ;

-         la lex mercatoria est l'ensemble des règles du commerce international dégagées par la pratique et ayant reçu la sanction des jurisprudences nationales, comme semble l'admettre la Cour de cassation française (Civ. T, 22 oct. 1991, Valenciaria, Bull, civ. I, na 275, JDI 1992, p. 176, note B. Goldman ; Rev. crit. DIP 1992, p. 112, note B. Oppetit ; Rev. arb. 1992, p. 457, note P. Lagarde). Cette seconde conception ne pose pas de difficulté car les contrats qui en relèvent restent soumis à la loi d'un État », cf. H. KENFACK, Droit du commerce international, 5ème édition, Dalloz, Mémentos, 2015, p. 14.

[68] J. Béguin, "Le développement de la lex mercatoria menace-t-il l'ordre juridique international", Revue de droit de McGill, vol. 30, 1985, p. 492.



19/06/2016
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