Épreuve de contrôle continu (Galop d’essai), juin 2019 - Eléments de correction
1- Précisez et expliquez deux arguments en faveur de la thèse de la juridicité de la Lex Mercatoria (4 Pts)
- Les usages ne sont pas seulement des éléments de fait. Leur valeur juridique est souvent consacrée par la loi. Sur le plan interne (voir article 1135[1] du code civil), et, sur le plan international, plusieurs Textes[2] (Vienne, Rome, Haye…) renvoient expressément aux Usages du commerce international, expression visant sans doute la Lex Mercatoria ;
- La jurisprudence française considère qu’a tranché en droit, et non en équité[3], l’arbitre qui, pour rendre sa sentence, a fait application des usages et principes du commerce international[4]. Saisies de recours dirigés contre des arbitres non investis du pouvoir de statuer en amiable compositeur, leur reprochant d’avoir violé leur mission en statuant sur la base des usages du commerce international, les juridictions françaises ont rejeté lesdits recours, admettant ainsi la normativité des usages du commerce international[5]. Autrement dit, l’arbitre qui statue sur la base de la Lex mercatoria a tranché en droit.
- Il est soutenu et démontré que la Lex mercatoria, est un Droit « spontané » « formé d’usages professionnellement codifiés, de montages juridiques et de clauses contractuelles » dont la répétition et l’effectivité rend aptes à accéder au rang de véritables règles coutumières[6].
2- En quoi peut-on dire que l’intérêt du consommateur n’est pas ignoré par les règles de l’OMC ? (4 Pts)
- Les règles de l’OMC favorisent le libre-échange, donc l’ouverture des marchés mondiaux et la libre circulation des marchandises et des services. L'échange international qui en résulte accroît la diversité des produits et donc le choix du consommateur.
- Le libre-échange permet aux entreprises de vendre davantage, et donc de produire davantage et de profiter d'économies d'échelle. La baisse des prix liée aux économies d'échelle augmente le pouvoir d'achat des consommateurs.
- Les obstacles techniques au commerce découlent du respect de normes techniques ou de règlements prescrits afin de protéger certains intérêts sur le marché local, par exemple la sécurité du consommateur[7].
3- Indiquez, en les détaillant, deux raisons qui justifient la distinction contrat interne/contrat international. (4 Pts)
La distinction entre le contrat interne et le contrat international présent un intérêt certain dans la mesure où le régime juridique applicable peut varier en fonction du statut, interne ou international, du contrat. À titre d’illustration :
- Possibilité de choisir la loi applicable et le juge compétent dans le cadre d’un contrat international alors que le contrat de droit interne relève directement du droit national et de la compétence du juge national, sous réserve cependant du cas où le contrat interne est soumis à l’arbitrage ou que, au final, il est soumis à un juge étranger (dans ce cas, il ne deviendra pas pour cela « international », mais sera simplement qualifié de « contrat étranger »)
- Possibilité de payer en monnaie étrangère. Comme il a déjà été dit dans le cadre des travaux dirigés, la monnaie nationale ayant pouvoir libératoire et cours forcé, les parties à un tel contrat ne peuvent valablement stipuler le paiement en une monnaie étrangère. Cette possibilité n’est permise que dans le cas d’un contrat international[8].
- Validité d’un arbitrage intéressant un consommateur : en droit français notamment, alors que les clauses compromissoires ne sont pas, en général, valables lorsqu’elles sont insérées dans un contrat de consommation, la jurisprudence admet sa validité lorsque ledit contrat met en cause les intérêts du commerce international. Comme le relève un auteur, commentant une décision illustrant cette position jurisprudentielle, « la prohibition des clauses compromissoires dans les actes civils ou mixtes, posée par l'article 2061 du code civil français, n'est pas applicable dans un contrat mettant en jeu les intérêts du commerce international »[9].
4- De façon claire et concise, pourquoi peut-on dire que l’application de la CVIM du 11 avril 1980 est fortement tributaire de la volonté des parties ? (4 Pts)
On peut soutenir une telle affirmation en faisant observer que, bien que la CVIM prévoie les critères objectifs et géographiques de sont application, elle se reconnait une valeur supplétive en prévoyant expressément que « Les parties peuvent exclure l'application de la présente Convention ou, sous réserve des dispositions de l'article 12, déroger à l'une quelconque de ses dispositions ou en modifier les effets » (article 6, CVIM). Dès lors :
- Elle peut être exclue alors que la matière relève ordinairement de son champ d’application : la doctrine reconnait qu’elle peut être mise à l’écart par les parties[10]. Cette mise à l’écart peut se faire même tacitement comme le souligne le juge français qui, par un arrêt du 26 juin 2001, a retenu que « cette convention s'impose au juge français, qui doit en faire application sous réserve de son exclusion, selon l'article 6, qui s'interprète comme permettant aux parties de l’éluder tacitement, en s'abstenant de l’invoquer devant le juge français, ce qui s'est réalisé en l’espèce »[11].
- Aussi, son champ d’application peut faire plutôt l’objet d’une extension conventionnelle consistant à lui soumettre des contrats qui normalement ne relèvent pas de son application[12].
5- Donnez, en expliquant, deux hypothèses de contentieux du commerce international dans lesquelles, la méthode conflictuelle est inapplicable. (4 Pts)
Il faut se rappeler que la méthode conflictuelle a un domaine d’application défini. Elle ne se met en œuvre ordinairement que par le juge étatique qui a un for. Dès lors, on comprend aisément que, lorsque le litige n’est pas soumis à un juge étatique, elle ne s’applique pas. Il en est notamment ainsi dans les cas suivants :
- Le litige est soumis à l’arbitrage, on sait bien que l’arbitre n’a pas de for.
- Le litige porte sur l’application des règles de l’OMC, en ce cas, la compétence de l’ORD de l’OMC est exclusive et obligatoire. Dans sa démarche juridictionnelle, il n’y a pas de place pour les règles de conflit.
[1] Cette article dispose : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les autres que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature ».
[2] Selon l’article 7 alinéa 2, de la Convention de Genève (15 février 1983) sur la représentation en matière de vente internationale de marchandises Ils sont réputés, sauf convention contraire, s'être tacitement référés à tout usage dont ils avaient ou devaient avoir connaissance et qui, dans le commerce international, est largement connu et régulièrement observé par les parties à des rapports de représentation de même type dans la branche commerciale considérée.
Voir aussi les articles 9 al. 2 (CVIM), 9 al. 2 (Convention portant loi uniforme sur la vente internationale d'objets mobiliers corporels, Haye 1er juillet 1964). Selon la plupart de ces textes, le terme ‘’usages’’ renvoie aux manières de faire que des personnes raisonnables de même qualité placées dans leur situation considèrent normalement comme applicables à la formation de leur contrat.
[3] Cf. J.-M. JACQUET, Ph. DELEBECQUE et S. CORNELOUP, Droit du commerce international, 3ème édition, Précis Dalloz, 2015
[4] Paris, 12 juin 1980, Rev. arb. 1981. 292, note G. Couchez ; JDI 1982. 931, note B. Oppetit – Cass. 2e civ., 9 décembre 1981, Rev. arb. 1982. 183, note G. Couchez ; JDI 1982. 931, note B. Oppetit ; JCP 1983. I. 19971, note P. Level ; D. 1983. 238, note J. Robert – TGI Paris, 4 mars 1981, JDI 1981. 836, note Ph. Kahn ; Rev. arb. 1983. 465, chron. B. Goldman p. 379 – Douai, 18 avril 1991, JDI 1993. 360, note Ph. Kahn – Paris, 13 juillet 1989, Rev. arb. 1990. 663, note P. Lagarde ; Rev. crit. DIP 1990. 305, note B. Oppetit ; JDI 1990. 430, note B. Goldman – Cass. 1re civ., 22 octobre 1991, Rev. crit. DIP 1992. 113, note B. Oppetit ; JDI 1992. 177, note B. Goldman ; RTD com. 1992. 171, obs. J.-C. Dubarry et E. Loquin. Plusieurs décisions ont été rendues à l’étranger dans des affaires similaires : la tendance générale a été favorable à la reconnaissance des sentences, mais il n’y a pas eu de prise de position claire sur la question de l’existence de la lex mercatoria (v. J.-F. Poudret et S. Besson, Comparative Law of International Arbitration, 2e éd., Thomson Sweet & Maxwell, 2007, no 701, 703. Adde D. Rivkin, « Enforceability of awards based on lex mercatoria », Arb. Int. 1989, vol. 9, p. 67, spéc. p. 75 et s.); cités par M. AUDIT, S. BOLLÉE et P. CALLÉ, Droit du commerce international et des investissements étrangers, 2ème édition, LGDJ, Domat Droit privé, n° 28.
À titre d’illustration, dans une affaire, la Cour de Cassation Française a affirmé de manière claire la juridicité de la Lex Mercatoria. Elle permet ainsi aux parties de soumettre leur contrat à la Lex Mercatoria et autorise les arbitres à l’appliquer directement dans leurs sentence (Cass. 22 octobre 1991, Arrêt Valenciana). Ainsi, un arbitre qui a reçu mission de trancher le litige en droit peut valablement fonder sa décision sur les principes du droit international dégagés par la pratique et reconnus par la jurisprudence, donc la Lex Mercatoria.
De même, la Cour suprême d'Autriche a rejeté un recours tendant à l’annulation d’une sentence arbitrale rendue sur la base de la lex mercatoria : 18 novembre 1982, Norsolor S.A. cl Pabalk Ticaret in 1983 Recht der Internationalen Wirtschaft 29, 868 ; Clunet, 1983.645, note Seidl-Hohenveldern.
[5] CA Paris, affaire Norsolor, (19 nov. 1982, Rev. arb. 1983. 466 ; Cour de cassation, 9 oct. 1984, Rev. crit. DIP 1985. 551, note B. Dutoit ; JDI 1985. 679, note Kahn, Rev. arb. 1985. 431, note Goldman.
[6] Cf. Berthold GOLDMAN, Frontières du Droit et lex mercatoria, Archives de Philosophie du Droit, 1964, p. 177, s. Contra : H. KENFACK, Droit du commerce international, 5ème édition, Dalloz, Mémentos, 2015, p. 13. « Il est difficile d'admettre que les usages du commerce international sont des règles de droit. Ils ont toutefois une valeur supérieure aux simples stipulations contractuelles ».
[7] Olivier Cachard,,Droit du commerce international, Manuel, LGDJ, 2008, n° 290.
[8] Voir à titre d’exemple, L'arrêt Pelissier du Besset, Cour de cassation française, 17 mai 1927. H. Bulletin ARRETS Cour de Cassation Chambre civile N. 77 p. 163, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000006952820.
[9] cf. Jean-Claude Dubarry et Eric Loquin, note sous CA Paris, 7 déc. 1994, inédit, Soc. V 2000, Soc. Project XJ 220 LTD c/ Renault Jean françois, RTD Com. 1995 p.401.
[10] Claude Witz et Peter Schlechtriem, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, Dalloz, Hors collection, 2008, n° 25, p. 20.
[11] cf. Bulletin civil 2001, I, n° 189.
[12] DELEBECQUE (Ph.) et GERMAIN (M.), Traité de droit commercial (RIPERT et ROBLOT), Tome 2, LGDJ, 17ème 2004, P. 595. « rien ne s’oppose à ce que ces ventes (ventes ne portant pas sur les objets définis inclusivement par la CVIM) soient volontairement soumises à la Convention ».
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