Commentaire de décision sur l'hypothèque - TGI M’Foundi, jugement civil n° 179 du 23 janvier 2002, YATHOU Anne Marie et autres c/ Standard Chatered Bank
TCHABO SONTANG (H. M.), Commentaire de jurisprudence, TGI M’Foundi, jugement civil n° 179 du 23 janvier 2002, YATHOU Anne Marie et autres c/ Standard Chatered Bank, Juridis Périodique, n° 96, octobre-novembre-décembre 2013, pp. 61-68.
Hypothèque conventionnelle – conditions de validité – constitution par le gérant d’une société – validité ? – oui – formalités relatives à la forme notariée – hypothèque consentie avant l’AUS - application concomitante de l’AUS et de l’ordonnance de 1974 – inscription non renouvelée au terme de 10 ans – nullité ? - non – péremption ? - non.
Tribunal de Grande Instance du MFOUNDI, jugement civil n° 179 du 23 janvier 2002, YATHOU Anne Maire et autres c/ Standard CHARTERED BANK
-Vu les pièces du dossier de la procédure ;
-Attendu que par exploit en date du 12/03/1999 de Me KEDI Irène J., Huissier de justice à Yaoundé, acte dûment enregistré, les nommées YATHOU Anna Marie, KEUTCHA Alain, TANKOUA Guy Alain, KEMAJOU Marlyse, KETECHEMEN Corinne, ayants droit de KEUTCHA Moïse, ont fait donner assignation à la Standard CHARTERED BANK Cameroun, prise en la personne de son représentant légal, d’avoir à se trouver et comparaître devant le Tribunal de Grande instance du MFOUNDI statuant en matière civile et commerciale pour s’entendre prononcer la nullité de l’hypothèque prise sur le titre foncier n° 7591/MFOUNDI et passée entre la BCCC et la société commerciale du Centre ;
-Attendu qu’au soutien de leur action, les demandeurs exposent que par actes n° 1442 du 05 juin 1984 et n° 1480 du 18 août 1984 de Me J.R. ELLA, Notaire à Yaoundé, il est passé une convention de compte courant entre la BANK of CREDIT AND COMMERCE CAMEROON (BCCC) dont les actifs ont été repris depuis par la Standard CHARTERED BANK d’une part et la Société Commerciale du Centre d’autre part, que curieusement, en garantie de remboursement de la dette ainsi contractée, la Société Commerciale du Centre (SCC) affectait en hypothèque l’immeuble objet du titre foncier n° 7591/MFOUNDI , appartenant en toute propriété à feu KEUTCHA Moïse, père des demandeurs ; Qu’il s’agit là d’une hypothèque de la chose d’autrui prise par un seul notaire et non assisté de témoins est nulle et de nul effet ;
-Attendu que pour faire échec aux prétentions des consorts YATHOU, la Standard CHARTERED BANK par l’organe de son conseil explique que la Société Commerciale du Centre formée par acte notariée du 24/8/1979 et qui avait pour associés Sieur KEUTCHA Moïse, son épouse et ses descendants suscités avait obtenu de la BCCC en août 1984 un découvert de 15.000.000 F ; Qu’afin de garantir le remboursement de ce crédit, le gérant statutaire de la SCC, Sieur KEUTCHA Moïse, offrit en garantie une hypothèque sur l’immeuble lui appartenant objet du titre foncier n° 7591/MFOUNDI ; Qu’en plus, Sieur KEUTCHA s’était constitué caution personnelle et solidaire de la SCC le 30 Janvier 1986 ; Que cette hypothèque ne souffre donc d’aucune irrégularité puisque ayant été constituée par Sieur KEUTCHA en sa triple qualité de gérant unique de sa société, de caution de ladite société et de propriétaire de l’immeuble hypothéqué ;
Sur le défaut de qualité de feu KEUTCHA à Hypothéquer l’immeuble
-Attendu que la Standard CHARTERED BANK a versé aux débats diverses pièces dont une lettre de garantie et de caution solidaire en date du 30/01/86, une expédition de la convention d’ouverture de compte courant entre la BCCC et la SCC du 06/6/84 ; Que l’analyse desdites pièces amène à conclure à l’existence des rapports d’affaire entre la défunte BCCC et la SCC et conforte la Standard CHARTERED BANK, repreneur de la BCCC, dans ses prétentions ;
-Attendu que la Société Commerciale du Centre est une Sarl qui avait pour seuls associés feu KEUTCHA Moïse, son épouse et ses enfants mineurs dont il était d’ailleurs le représentant légal ; Que c’est donc en cette qualité et celle de gérant de la société familiale dont il était par ailleurs l’unique gérant qu’il avait hypothéqué l’immeuble objet du titre foncier n° 7591/MFOUNDI dont il est le propriétaire ;
-Attendu en effet que l’article 2124 du Code Civil dispose que « les hypothèques conventionnelles ne peuvent être consenties que par ceux qui ont la capacité d’aliéner les immeubles qu’ils y soumettent » ; Que par lettre de garantie en date du 30/01/86, Sieur KEUTCHA s’était constitué caution personnelle et solidaire de la Société Commerciale du Centre, Qu’à ce titre, il pouvait engager et affecter son patrimoine au remboursement de la dette contractée par cette société ; Qu’en conséquence, ne peut prospérer l’argument selon lequel il s’agissait en l’espèce d’une hypothèque de la chose d’autrui ; Qu’il échet de rejeter ce moyen comme non fondé ;
Sur la caducité de l’hypothèque en cause
-Attendu que les consorts YATHOU invoquent la violation de l’article 2154 du Code Civil au motif que cette hypothèque inscrite au livre foncier depuis le 28 mai 1985 est devenue caduque depuis 1995 faute de renouvellement de son inscription ;
-Mais attendu que selon un principe général de droit commun, les lois de forme sont d’application immédiate ; Qu’en outre, selon les dispositions de l’article 124(2) de l’Acte Uniforme OHADA sur l’organisation des sûretés, « L’extinction de l’hypothèque conventionnelle ou forcée résulte de l’extinction de l’obligation principale » ; Que les demandeurs n’ont pas et n’offrent même pas de se libérer de leur obligation principale, mais tentent plutôt par des arguments spécieux de se soustraire au paiement de leur dette ; Qu’il y a donc lieu de rejeter ce moyen comme non fondé ;
Sur le non respect de l’article 2127 du Code Civil
-Attendu que selon l’article 8 de l’Ordonnance n° 74/L du 06/7/74 fixant le régime foncier, « les actes constitutifs ou extinctifs de droits réel immobiliers doivent, à peine de nullité, être établies en la forme notariée ; Que selon les dispositions plus récentes de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des sûretés, en son article 128, l’hypothèque conventionnelle est consentie « Par acte authentique établi par le notaire territorialement compétent... » ; Qu’il ressort de ces dispositions légales qu’il n’est plus nécessaire que l’acte soit établi par deux témoins ; Qu’il échet en conséquence de rejeter ce moyen comme non fondé ;
-Attendu que la partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
Par ces motifs
-Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en premier ressort ;
-Reçoit l’action de YATHOU Anne Marie et autres ;
-Les y dit non fondés ;
Observations
L’interdiction de constituer une hypothèque sur la chose d’autrui ne rend pas impossible, en droit, la constitution d’une hypothèque sur son bien propre pour la garantie de la dette d’autrui. C’est sûrement l’unique enseignement que l’on peut puiser du jugement civil n° 179 rendu par le tribunal de grande instance du Mfoundi en date du 23 janvier 2002 opposant les consorts YATHOU à la Standard Chatered Bank. Pourtant, outre cet aspect, l’occasion était donnée au juge de l’espèce de rappeler aux créanciers hypothécaires qu’en cette matière, l’important n’est pas seulement d’obtenir une hypothèque valable, mais encore, de pouvoir en assurer l’efficacité.
En l’espèce, par deux actes notariés des 05 juin 1984 et 18 août 1984, il est passé une convention de compte courant entre la BANK of CREDIT AND COMMERCE CAMEROON (BCCC) dont les actifs ont été repris depuis par la Standard CHARTERED BANK d’une part et la Société Commerciale du Centre (SCC) d’autre part. Cette dernière, constituée par acte notarié du 24 août 1979, est une entreprise familiale[1] dont les associés sont tous issus de la famille nucléaire de son gérant, Sieur Keutcha Moïse[2]. Dans le cadre de cette convention de compte courant, la SCC a obtenu de la BCCC un découvert de 15.000.000 en août 1984. Le remboursement de ce découvert a été garanti par deux sûretés. D’une part, une hypothèque consentie par le gérant statutaire de la SCC sur un immeuble appartenant à Sieur Keutcha[3] inscrite au livre foncier le 28 mai 1985, et d’autre part, la fourniture par Sieur Keutcha de son cautionnement personnel et solidaire en date du 30 janvier 1986.
Suite au décès du gérant statutaire, par ailleurs constituant de ces sûretés, son épouse et ses descendants ont alors assigné la Standard Chartered Bank, héritière de la BCCC, par exploit d’huissier daté du
Pour sa défense, la Standard Chartered Bank avance que la validité de l’hypothèque querellée ne peut nullement être remise en cause. En effet, elle soutient, pour contrecarrer la demande principale des consorts Yathou, que l’immeuble en question, puisqu’il appartenait à Sieur Keutcha au moment où l’acte a été conclu, ce dernier avait la pleine capacité de l’engager par une convention d’hypothèque. Par ailleurs, elle avance que le gérant statutaire aurait hypothéqué l’immeuble dans le cadre de son engagement de caution.
Aux yeux du juge de l’espèce, la position défendue par la Standard Chartered Bank emporte conviction. L’accueillant, il déboute les consorts Yathou de leur demande en caducité de l’hypothèque au motif que tant l’article 8 de l’ordonnance du 06 juillet 1974 fixant le régime foncier que l’article 128 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ne permettent d’invalider un tel acte. Cette solution, censée répondre à la question de savoir si l’hypothèque visée ici pouvait efficacement produire les effets prévus par la loi, nous semble, dans une certaine mesure, ahurissante. En effet, une application rigoureuse des principes généraux de droit invoqués dans le jugement par le juge de l’espèce et une motivation suffisante auraient sans doute permis à cette décision d’avoir un rayonnement plus lumineux pour le droit des hypothèques en particulier et pour le droit de l’OHADA en général. Dès lors, les solutions auraient bien pu ou dû être différentes de celles prononcées. Ceci se vérifiera à travers l’analyse du régime de la constitution d’une hypothèque pour la garantie de la dette d’autrui (I) et du régime de la péremption en matière hypothécaire (II)
I- La constitution d’une hypothèque pour la garantie de la dette d’autrui
Très simplement, l’hypothèque est l’affectation d’un bien immeuble à la garantie d’une dette. Cette affectation est faite au profit du créancier qui devient dès lors titulaire d’un droit de suite et d’un droit de préférence sur ledit immeuble. Cet immeuble doit exister et appartenir en propre à son constituant[4], lequel peut être le débiteur lui-même ou un tiers garant et dans ce dernier cas, on parle généralement de caution hypothécaire. C’est le cas en l’espèce où pour garantir la dette de la société, le gérant a fait inscrire une hypothèque sur son immeuble. Si le principe d’une telle possibilité n’est pas contesté (A), il demeure cependant que pour être valable et efficace, une telle hypothèque doit satisfaire les autres conditions posées par la loi (B).
A. L’aptitude du gérant à se constituer caution réelle
Pour s’assurer que le débiteur honorera son engagement, le créancier exige généralement que des sûretés soient stipulées à son profit. Ces sûretés peuvent provenir du débiteur lui-même et dans certains cas d’un tiers désireux, pour certaines raisons, de soutenir le débiteur. C’est ainsi que dans le domaine des sociétés commerciales, les gérants, soucieux de la bonne marche de l’entreprise, sont souvent disposés à appuyer, sur leur patrimoine propre, la société dans la recherche des financements. Leurs concours prennent diverses formes dont la lettre d’intention, le cautionnement, l’hypothèque ou encore le cautionnement hypothécaire. Le cautionnement hypothécaire renvoie à l’hypothèque dans laquelle, la caution limite son engagement personnel à la valeur d’un immeuble qu’elle affecte au profit du créancier. Il s’agit à la réalité d’un engagement personnel de caution renforcée par une sûreté réelle.
Dans le cas ayant donné lieu à la décision commentée, le gérant de la société a constitué une hypothèque sur un immeuble pour la garantie des dettes de l’entreprise. Cette situation a paru anormale aux yeux des ayants droit du constituant décédé. Pour eux en effet, en sa qualité de gérant, sieur Keutcha ne pouvait pas engager un immeuble familial. Bref, la confusion résultant de cette situation devait conduire à la nullité de l’hypothèque. Cette argumentation mettait alors en exergue le problème qui fait la spécificité des sociétés familiales à savoir « la superposition du lien familial et du lien professionnel »[5]. En effet, dans le contexte d’une entreprise familiale, gérée par le chef de famille, il est bien souvent difficile de distinguer les actes que le gérant pose en son nom propre de ceux qu’il n’accomplit qu’en vertu du mandat social dont il est investi. L’imputabilité d’un engagement sur l’un des patrimoines en cause, celui de la société et celui propre au dirigeant, ne doit dépendre que de la qualité dont s’est légitimement prévalu l’auteur de l’acte. Si aucune indication particulière n’a été faite au moment de l’acte, des contestations peuvent s’élever.
Revenant à l’espèce qui a donné lieu au présent jugement, s’il n’est fait aucun doute sur la paternité de la signature figurant sur l’acte d’hypothèque, celle-ci appartenant à Sieur Keutcha Moïse, un point divise cependant les parties au procès : celui de savoir en quelle qualité, Sieur Keutcha a conclu la convention d’hypothèque : l’aurait-il fait en son nom propre, ou alors, en tant que gérant statutaire de la SCC ? Aux yeux des demandeurs, l’enjeu de cette discussion était considérable. En effet, si Sieur Keutcha avait agi en son nom personnel, alors l’hypothèque aurait été valablement constituée, car l’immeuble n’aura été engagé que par son propriétaire, ce qui est normal. Cependant, si c’est en qualité de gérant statutaire de la SCC, il se pourrait que l’hypothèque fût susceptible de nullité, car, en cette qualité, son constituant n’aurait pu valablement engager que les biens qui appartenaient en propre à son mandant, la société dont il assure la gérance. Or, comme l’immeuble litigieux n’appartenait pas à cette société, les consorts Yathou ont sollicité que le juge invalide cette hypothèque.
Malgré le fait que cette société soit formée par les membres d’une même famille, il s’agit avant tout d’une SARL dotée d’une personnalité juridique distincte de celle de ses membres. D’ailleurs, cette forme sociale implique une cloison étanche entre le patrimoine de la société et celui des associés. Le patrimoine de la société, limité aux biens ayant fait l’objet d’apports par les différents associés, doit, en toute circonstance, être bien distingué de celui de la famille. Il doit toujours en être ainsi bien que la société partage avec la famille les mêmes membres. En conséquence, en sa qualité de gérant statutaire de la SCC, Sieur Keutcha ne pouvait légitimement engager que le patrimoine de la société, conformément à son mandat social.
Seulement, l’argument tiré de la possibilité reconnue à un tiers de cautionner ou d’affecter son bien pour la garantie de la dette d’autrui permettait de contrecarrer cette prétention. En droit des sociétés commerciales, cette possibilité est bien reconnue au gérant et dans sa mise en œuvre, s’il s’engage, il ne peut, dans l’hypothèse d’une sûreté réelle, affecter qu’un bien propre, car il s’agit en définitive d’un engagement personnel. Dès lors, le tribunal doit juste vérifier que le bien affecté appartient effectivement au gérant, constituant. En l’espèce, l’appartenance du bien au Sieur Keutcha n’est pas contestée. Les demandeurs n’ayant point remis en cause cette propriété, leur contestation ne pouvait être que vaine. Malgré les multiples casquettes de Sieur Keutcha, chef de famille, associé, gérant statutaire et caution, dès lors qu’il est attesté que c’est sa signature qui a scellé l’acte d’hypothèque, la condition selon laquelle le constituant de l’hypothèque doit être propriétaire de l’immeuble se trouvait remplie. Il restait alors à vérifier les autres conditions pour que cette hypothèque soit valable.
B. L’obligation de satisfaire les formalités de validité de l’hypothèque
Pour être valablement constituée, une hypothèque doit être convenue selon les formes prévues par la loi. En général, la vérification de cette condition ne pose pas de difficultés particulières. Cependant, lorsque plusieurs textes se sont succédés dans le temps, il est impérieux de commencer l’analyse par la détermination du texte applicable. Cette difficulté est singulière lorsque les textes en conflit règlent la question avec des solutions différentes. En l’espèce, la convention d’hypothèque litigieuse a été convenue le 18 août 1984. À ce moment, deux textes étaient potentiellement applicables, précisément le Code civil, et l’Ordonnance n° 74-1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier. Sur la question de la forme de la convention d’hypothèque, ces textes proposent chacun des modalités partiellement différentes. Si tous sont unanimes sur le fait que, l’hypothèque, acte constitutif de droit réel immobilier, doit être passée par la forme notariée, on observe une rupture sur le point de savoir combien de notaires doivent intervenir à l’acte.
Pour l’ordonnance du 6 juillet 1974, la règle est que, tous les actes translatifs, constitutifs et extinctifs de droits réels immobiliers doivent être passés par la forme notariée. L’absence de précision particulière permet de conclure que l’intervention d’un seul notaire est suffisante, la compétence d’un seul notaire étant le droit commun en la matière[6]. Quant à lui, le code civil a prévu à l’article 2127 que l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que par acte passé en forme authentique devant deux notaires, ou devant un notaire et deux témoins. Face à ces deux textes aux contenus bien différents, le juge devait commencer par identifier lequel était applicable en l’espèce. En pareille situation, la règle veut que le juge applique texte spécial en vertu de la règle specialia generalibus derogant. Laquelle de ces deux sources présentait un caractère spécial ?
L’ordonnance du 6 juillet 1974 bien que régissant les questions foncières (ce qui peut contribuer à faire d’elle un texte spécial par rapport au code civil en matière foncière), ne s’intéresse guère spécialement à la question des hypothèques. Ses dispositions sont toujours générales et englobent tous les actes juridiques portant sur la question foncière. En cela, on peut douter qu’elle soit vue comme un texte spécial relatif à l’hypothèque. En revanche, malgré l’extension et la généralité de son domaine d’application (statut personnel, droit des obligations, droit des biens…), le code civil prévoit, par moments, des règles spécifiques à certaines questions particulières. Il en est ainsi de l’article 2127 susvisé qui ne régit, de façon exclusive, que la forme des conventions d’hypothèque ; ce qui peut contribuer à le considérer comme le texte spécial en la matière. On pouvait dès lors s’attendre à ce que le juge se fonde sur cette disposition, spéciale, pour trancher la contestation qui était soulevée. Non seulement le tribunal n’a pas suivi cette logique, mais en plus, il n’a pas indiqué le fondement de sa solution sur ce point. N’ayant pas motivé sa décision, il n’a d’ailleurs pas permis d’en cerner le fondement.
Sa position pouvait-elle se justifier par l’idée de l’abrogation ? En effet, l’ordonnance, ne datant que de 1974, est postérieure au code civil qui date de 1804. Par ailleurs, cette ordonnance précise que sont abrogées toutes les dispositions contraires en la matière[7]. Cependant, on peut douter de la contrariété de l’article 2127 du code civil qui ne remet pas en cause la forme notariée de la convention d’hypothèque, mais précise seulement qu’elle nécessite l’intervention de deux notaires ou d’un seul assisté, dans ce cas, de deux témoins. D’ailleurs, l’article 8 de l’ordonnance du 6 juillet 1974 n’a pas spécifié le nombre de notaires nécessaire pour la perfection de l’acte. Seule une disposition remettant en cause le caractère obligatoire de la forme notariée peut, à ce point de vue, être perçue comme contraire à l’article 8 de l’ordonnance de 1974[8].
Le fait pour l’ordonnance de 1974 d’exiger qu’un acte ait la forme notariée ne signifie pas forcément que cet acte doive être reçu par un seul notaire. D’ailleurs, le décret n° 60-172 du 20 septembre 1960 réglementant le statut des notaires et instituant des charges de notaires, en vigueur au moment de la conclusion de la convention litigieuse, reconnaissait expressément que la loi pouvait exiger, pour certains actes précis, l’intervention de deux notaires[9]. On peut donc en déduire que l’ordonnance de 1974, ayant exigé la forme notariée pour les conventions relatives à la question foncière, n’interdit pas aux textes particuliers d’indiquer les modalités spécifiques à chaque type d’acte. Si l’intervention d’un notaire unique demeure le principe, il n’est pas exclu que dans certains cas, l’intervention de deux notaires soit requise par un texte spécial. Dans cette hypothèse d’exception, la validité de l’acte est effectivement subordonnée à la participation des deux notaires à l’acte ou d’un notaire assisté de deux témoins.
En conséquence, loin de constituer une disposition contraire à l’article 8 de l’ordonnance du 6 juillet 1974, il apparaît que l’article 2127 du code civil peut et doit être vu comme un texte pleinement compatible. Dans cette occurrence, la réponse du juge de l’espèce sur ce point précis n’est pas de nature à emporter conviction surtout que pour se conforter dans sa position, il accentue l’incohérence de son raisonnement en invoquant l’article 128 de l’acte uniforme OHADA relatif aux sûretés, texte qui n’était nullement applicable en l’espèce[10]. La même erreur a été reprise quand il s’est agi d’apprécier la demande tendant à constater la péremption de l’hypothèque.
II- La question de la durée de validité de l’inscription hypothécaire
Si pour être valable, l’hypothèque litigieuse devait être convenue dans un acte authentique, parfait par deux notaires ou d’un seul assisté de deux témoins, pour être efficace, elle devait être valablement inscrite au livre foncier. Vraie au moment des faits[11], cette règle est encore vraie de nos jours malgré l’évolution des textes[12]. Cette considération était acquise pour les deux parties. Cependant, la discussion s’est élevée sur la question de la durée de validité de l’inscription. En effet, les demandeurs ont invité, en vain, le juge à constater la péremption de l’hypothèque litigieuse. L’analyse de la solution donnée par le tribunal saisi passera par quelques rappels tant sur la notion de péremption d’hypothèque (A) que sur la détermination du droit applicable (B).
A. La notion de de la péremption
En général, la péremption peut être définie comme l’« anéantissement des effets juridiques d'un acte en raison, soit d'une négligence, soit du non-exercice d'un droit pendant une certaine durée »[13]. C’est donc une sanction qui prive un individu d’un droit qui lui a pourtant été auparavant reconnu. Ce qui est important en matière d’hypothèque c’est de comprendre à quel droit la péremption s’applique. En effet, tout comme on distingue la validité de l’hypothèque de son opposabilité, on doit aussi distinguer le droit de réaliser l’hypothèque (ce qui est lié à la validité de la convention), du droit de préférence et du droit de suite (qui sont liés à l’opposabilité de l’hypothèque, et surtout de son rang à l’égard des autres créanciers inscrits).
Dans cette occurrence, on doit observer que lorsqu’on parle de péremption en matière hypothécaire, ce terme est généralement suivi de la notion d’inscription. Donc, on peut déduire que ce n’est pas l’hypothèque qui est frappée de péremption, mais seulement son inscription. Or, l’inscription n’a aucune valeur probante entre les parties[14], son seul effet est d’assurer l’opposabilité de l’hypothèque à l’égard des tiers. Ainsi, entre le créancier et le débiteur, l'hypothèque produit ses effets indépendamment de toute inscription. En conséquence, ce qui est perdu, c’est le rang préférentiel et non pas la garantie elle-même. Autrement dit, le titulaire d’une hypothèque dont l’inscription au livre foncier est périmée, pourrait toujours réaliser sa garantie, seulement il perdrait son rang en face d’autres créanciers hypothécaires si ces derniers sont régulièrement inscrits. C’est pour marquer l’indifférence de l’inscription sur la validité de l’hypothèque que la doctrine relève que, « la nullité de l'inscription pour vice de forme n'affecte pas la validité de l'acte qu'elle relate »[15]. De même, pour la Cour de cassation française[16], « la péremption n’entraîne pas, à proprement parler, l’extinction de l’hypothèque, car celle-ci, même périmée, peut être inscrite une nouvelle fois. Mais cette nouvelle inscription, à la supposer possible[17], ne produira effet qu’à sa date »[18].
Cette solution n’est pourtant pas celle qui est, de nos jours, consacrée par l’Acte uniforme de l’OHADA portant organisation des sûretés. Selon l’alinéa 2 de l’article 124[19] dudit Acte uniforme, l’extinction de l’hypothèque conventionnelle ou forcée résulte, entre autres, « de la péremption de l'inscription attestée, sous sa responsabilité, par le conservateur de la propriété foncière, cette attestation devant mentionner qu'aucune prorogation ou nouvelle inscription n'affecte la péremption »[20]. On a l’impression, à la suite de ce texte que l’inscription d’une hypothèque dans le droit de l’OHADA n’a pas pour seul effet, la détermination du rang de préférence du créancier. Cette impression est renforcée lorsque l’article 196 de l’AUS modifié dispose que « l'inscription a une durée déterminée et conserve le droit du créancier jusqu'à une date devant être fixée par la convention ou la décision de justice dans la limite de trente ans au jour de la formalité, sauf disposition contraire d'une loi nationale. Son effet cesse si elle n'est pas renouvelée, avant l'expiration de ce délai, pour une durée déterminée ». En effet, il est précisé dans ce texte que l’inscription « conserve le droit », d’où on peut déduire qu’à défaut de cette inscription, le droit est perdu. Cela dit, il convient d’identifier clairement le droit dont il est fait mention ici : s’agit-il du droit à la garantie, auquel cas, la péremption aurait pour conséquence de reverser le créancier, jadis hypothécaire, dans la catégorie des chirographaires ? Ou alors, s’agit-il du droit de préférence, auquel cas on revient à la solution indiquée ci-dessus ?
On peut avancer que la deuxième proposition serait la bonne, car, il ne devrait s’agir que du droit conféré par l’inscription dont le renouvellement a fait défaut. La logique veut en effet que le non renouvellement de l’inscription ne puisse supprimer que l’avantage que l’inscription avait elle-même conféré. Ce raisonnement pourrait s’appuyer sur l’alinéa 2 de l’article 195 AUS révisé[21] qui dispose que « l'hypothèque régulièrement publiée prend rang du jour de l'inscription », d’où on peut déduire qu’effectivement, la prérogative conférée par l’inscription c’est le rang de préférence. En conséquence, faire de la péremption une cause d’extinction de l’hypothèque dénote une certaine incohérence de la part du législateur uniforme. Un auteur a d’ailleurs observé qu’en ce qui concerne l'article 124 AUS, le législateur « amalgame inopportunément extinction de l'hypothèque et péremption de l'inscription hypothécaire »[22]. C’est peut-être pour dénoncer cet amalgame qu’un juge, censé appliquer l’AUS, a pu décider que « le non renouvellement de l’inscription a pour conséquence non pas l’extinction de l’hypothèque, mais la perte du rang ; Que la péremption de l’inscription hypothécaire est sans incidence sur la validité de l’hypothèque consentie »[23]. Pour conclure, on doit retenir simplement que « la péremption ne vaut pas extinction de l'hypothèque mais seulement inopposabilité de celle-ci »[24].
Cela acquis, on comprend aisément que seul un tiers intéressé peut invoquer la péremption de l’inscription hypothécaire. En effet, puisque l’inscription n’a aucun effet entre les parties, celles-ci ne sont point fondées à en invoquer une quelconque défaillance. Aux parties, on assimile logiquement leurs ayants droits à l’instar des héritiers[25]. Donc, la demande de constatation de la péremption formulée par les demandeurs était en soi malvenue et dès lors, vouée à l’échec. Cette vision n’a cependant pas été celle du tribunal saisi. Bien que d’intérêt mineur au départ, la question du texte applicable a malheureusement pris une place importante dans les débats et a, d’une certaine façon, embarrassé le tribunal.
B. Le droit applicable aux effets de l’inscription hypothécaire
Une distinction est souvent faite entre les lois, suivant laquelle on les range en lois de fond et en lois de forme. Si les premières se caractérisent par le caractère substantiel de leurs prévisions ; celles de forme, comme leur nom l’indique se caractérisent par le fait qu’elles réglementent les conditions de procédure et de preuve ou d’opposabilité des situations juridiques. En matière d’hypothèque, les dispositions qui définissent les conditions de validité de la convention sont des lois de fond, alors que celles qui indiquent les formalités à fin d’opposabilité sont des lois de forme. L’une des conséquences de cette distinction se situe au niveau du droit applicable en cas de succession dans le temps de plusieurs textes ayant vocation à régir l’acte considéré. Les aspects qui relèvent des lois de fond sont régis par les textes qui étaient en vigueur au moment de la formation de l’acte. En revanche, les aspects qui relèvent des lois de forme s’apprécient au vu de la loi qui est en vigueur au moment où la question se pose. En effet, il est communément admis que les lois de forme sont d’application immédiate.
Ce principe ne doit cependant pas être interprété abusivement. Son domaine d’application ne doit pas être anormalement étendu sous peine de déboucher sur une application rétroactive de la loi, ce qui est formellement proscrit par le code civil[26]. Concrètement, pour que ce principe s’applique, il faut non seulement que la question en jeu relève d’une loi de forme, mais aussi que la situation soit encore en cours.
Sur le premier point relatif à la nature de la question d’inscription d’une hypothèque, on observe que la fonction de l’inscription, c’est de déterminer le rang de préférence de chaque créancier inscrit[27], d’où la conclusion qu’il s’agit là d’une question d’opposabilité. À ce titre, son efficacité doit, en général être appréciée en vertu de la loi en vigueur au moment considéré. Encore faudrait-il que l’effet de l’inscription ne soit pas épuisé avant.
Sur le second point concernant l’état de l’inscription litigieuse, il faut commencer par relever que l’application immédiate suppose que la loi nouvelle se saisisse immédiatement des effets en cours d’une situation juridique créée sous l’empire de l’ancienne loi. En d’autres termes, pour être saisis par la nouvelle loi, lesdits effets doivent se poursuivre valablement au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. S’ils étaient déjà éteints, la nouvelle loi ne pourrait et ne saurait les raviver à moins d’être rétroactive. C’est pourquoi l’on est d’avis avec un auteur qui écrit que, la loi nouvelle, à moins d’être rétroactive, « ne peut pas gouverner les conditions de validité et les effets passés de situations juridiques achevées avant son entrée en vigueur »[28].
Dans l’espèce objet de l’analyse, les consorts Yathou souhaitaient que le juge constate la péremption de l’hypothèque querellée. En effet, inscrite au livre foncier depuis le 28 mai 1985, la péremption serait survenue en 1995, c’est-à-dire 10 ans après son inscription conformément aux dispositions du code civil[29] que les demandeurs invoquaient. Le juge a plutôt préféré appliquer une disposition inattendue[30] de l’AUS[31], ce qui a abouti au rejet de cette prétention. L’interprétation stricte du principe de l’application immédiate des lois de forme, pourtant invoqué, mais mal compris et mal appliqué par le juge saisi, et surtout du principe de la non-rétroactivité, malheureusement non pris en compte, aurait normalement dû conduire, soit à reconnaitre le bien-fondé de cette demande, soit à donner à cette décision une base pertinente. En effet, à la date d’entrée en vigueur de l’AUS, cette inscription ne courrait plus. Ne courant plus, cette inscription ne pouvait pas être saisie par l’AUS qui n’était apte, selon le principe invoqué par le juge, à saisir que ce qui était en cours au moment de son entrée en vigueur. L’inscription litigieuse étant déjà périmée avant l’entrée en vigueur de l’AUS, c’est donc en faisant rétroagir ce texte, que le juge a décidé de la résurrection d’une inscription hypothécaire périmée deux ans plus tôt.
Il semble que le tribunal était plus mû par le souci de la sécurité contractuelle, laquelle exigeait en l’espèce que le débiteur ne puisse pas, par des arguments top légers, priver le créancier de la sûreté dont il bénéficiait pour le recouvrement de sa créance. Malgré ce noble souci, quelques maladresses sont néanmoins décelables dans sa démarche. En effet, en forçant l’application de l’AUS pour parvenir à cette fin, tout laisse croire que le juge pensait, et à tort, qu’en admettant la péremption comme il y était invité, le créancier perdrait sa sûreté. Aussi, l’analyse souvent faite par certains auteurs[32] pouvait permettre au juge de parvenir à la même solution, celle du rejet de la péremption, en appliquant cette fois l’article 43 du décret de 1932[33]. En effet, il est souvent avancé que ce décret aurait abrogé les dispositions du code civil. Cependant, il apparaît que ce décret lui-même reconnait l’applicabilité de principe des dispositions du code civil[34]. Par ailleurs, on peut soutenir que ses dispositions ne pourront logiquement être appliquées que si elles ne sont pas contraires à celles du code civil. En effet, en vertu du principe de la hiérarchie des normes juridiques, il parait inapproprié de de soutenir qu’un décret a pu abroger une loi. C’est sûrement en prenant en compte ces considérations fondamentales qu’une partie de la doctrine continue de soutenir qu’avant l’entrée en vigueur de l’AUS, c’est le code civil qui était applicable en la matière[35]. De son côté, la jurisprudence, en application du code civil, a eu à constater la péremption d’une inscription hypothécaire non renouvelée au terme de la période de 10 ans[36]. D’où l’observation selon laquelle, si la demande avait été formulée par un tiers, il eût été plus judicieux par le tribunal saisi de l’examiner sur le fondement du code civil.
Au final, l’affaire ayant donné lieu à cette décision était très intéressante au regard des questions de droit qu’elle soulevait. L’occasion était donnée au tribunal saisi de préciser à la fois la portée des exigences légales en matière d’hypothèque et les conditions d’application des différents textes invoqués par les parties, surtout l’AUS. Cependant, la décision prononcée est loin de satisfaire toutes ces attentes. Ainsi, à quelques distances de ce qui a été décidé, il apparait, que s’agissant de la convention d’hypothèque querellée, l’AUS ne devait régir ni les conditions de fond, ni celles de forme. Par ailleurs, la péremption arguée par les demandeurs était malvenue et, le cas échéant, ne devait être appréciée qu’au seul regard des dispositions du code civil.
TCHABO SONTANG Hervé Martial,
Assistant, Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang
[1] Sur cette notion, voir NGUEBOU TOUKAM (J.), ‘’L’entreprise familiale, étude de droit camerounais’’, juridis info, n° 21, janv-fév-mars 1995, pp. 59-84.
[2] Ce genre de société n’est pas rare. Son développement avant l’entrée des actes uniformes de l’OHADA pouvait s’expliquer alors par l’impossibilité de constituer des sociétés unipersonnelles. En effet, l’article 1832 CC ne définissait la société que comme un contrat. En vue de contourner cette difficulté, les opérateurs économiques désireux de mettre sur pied une société commerciale, mais ne souhaitant pas s’associer avec des inconnus, optaient alors généralement pour l’affectation de parts sociales aux membres de sa famille, lesquels devenaient de ce fait, des associés. Comme le note un auteur, le développement de ces entreprises s’expliquait aussi par le fait que la loi du 7 mars 1925 permettant la constitution des SARL consacrait certains avantages fiscaux et sociaux à cette forme sociale. NGUEBOU TOUKAM (J.), idem, p. 78.
[3] Nous présentons ainsi cet élément des faits pour faire ressortir la double casquette de Sieur Keutcha, à ce niveau, puisque les faits nous disent bel et bien que l’hypothèque est consentie par le « gérant statutaire ».
[4] En effet, l’hypothèque est « un acte de disposition qui exige de la part de son auteur le droit et la capacité de disposer du bien ainsi affecté ». KOUASSIGAN (G. A.), ‘’Les hypothèques’’, in, Encyclopédie juridique de l'Afrique, vol V, le droit des biens, Les Nouvelles Éditions Africaines, p. 168.
[5] NGUEBOU TOUKAM (J.), op. cit., p. 60.
[6] Cette conclusion peut être aisément tirée de l’article 22 du Décret n° 95/034 du 24 février 1995 portant statut et organisation de la profession de notaire, actuellement en vigueur, qui dispose : « Les actes notariés peuvent être reçus par un seul notaire, à l’exception des cas où il est exigé la présence d’un second notaire ». la même idée figurait à l’alinéa 1er de l’article 11 du décret n° 60-172 du 20 septembre 1960 réglementant le statut des notaires, en vigueur au moment des faits.
[7] Cf. art. 22.
[8] On peut citer ici, comme disposition antérieure contraire à l’ordonnance, l’article 42 du Décret du 21 juillet 1932 instituant au Cameroun le régime foncier de l’immatriculation qui prévoyait que l’hypothèque conventionnelle puisse « être consentie au gré des parties, soit par acte authentique, soit par acte sous signatures privées ». Avec ce texte, la forme notariée n’était qu’une possibilité.
[9] L’article 11 dudit Décret dispose en effet : « Tous les actes notariés pourront être reçus par un seul notaire.
Le second notaire prévu par la loi pour certains actes sera remplacé par deux témoins… ». Cette disposition est aujourd’hui reprise par l’article 22 du décret n° 95/034 du 24 février 1995 portant statut et organisation de la profession de notaire.
[10] Cette sûreté a été conclue longtemps avant l’entrée en vigueur de l’AUS, or, l’alinéa 2 de l’article 150 de l’AUS disposait que « les sûretés consenties ou constituées ou créées antérieurement au présent Acte uniforme et conformément à la législation alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu'à leur extinction ». En application de cette règle, la jurisprudence relève dans une espèce « que s’agissant de faits passés en mai 1997, c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur de l’acte uniforme OHADA portant sur les sûretés, ce sont les dispositions du code civil qui régissaient la matière ; qu’en l’occurrence, ce sont les articles 2124 et suivants qui traitent des hypothèques conventionnelles », C.A., Bobo-Dioulasso, Chambre civile et commerciale (Burkina Faso), Arrêt n° 81 du 05/05/2003, BIB c/ OUATTARA Kelemassa & OUATTARA Daouda, Ohadata J-04-193, www.ohada.com. voir aussi, Cour d’Appel du Centre, Arrêt n°414/ Civ du 02 juillet 2003, la Sté. CERAC SARL C/ La Sté des Recouvrements des Créances du Cameroun (SRC), Ohadata J-04-202, www.ohada.com; CCJA, arrêt n° 18/2003 du 19 octobre 2003, Société AFROCOM, contre Caisse de Stabilisation et de Soutien des Prix des Productions Agricoles dite CSSPPA, Le Juris-Ohada, n° 4/2003, p. 10, note BROU Kouakou Mathurin.- Recueil de jurisprudence Ohada, n° 2, juillet-décembre 2003, p. 30. Ohadata J-04-119, www.ohada.com.
[11] Plusieurs textes servaient de fondement à cette règle. On peut ainsi citer l’article 2146 du code civil et les articles 43, 46 et 133 du décret du 21 juillet 1932 instituant au Cameroun le régime foncier de l’immatriculation.
[12] Actuellement, ces exigences ont pour fondement, les articles 205 et 206 AUS modifié.
[13] CABRILLAC (R.) Dir., Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, 1ère édition 2002.
[14] MELONE (S.), ‘’La publication des droits réels’’, in Encyclopédie juridique de l'Afrique, vol V, le droit des biens, Les Nouvelles Éditions Africaines, p. 193.
[15] Idem.
[16] Cass. Civ. III, 17 juillet 1986, Bull. civ. III, N° 118, qui précise que la circonstance que le tiers acquéreur ait eu une connaissance personnelle des prêts consentis au vendeur par son créancier et des sûretés les ayant garantis, ne peut suppléer à l’inscription, seul mode légal de publicité.
[17] En effet, l’inscription ne peut être prise si un évènement arrêtant le cours des inscriptions (ouverture d’une procédure collective par exemple) est survenu pendant l’intervalle. Cf. Cass. Com. 23 février 1981, Bull. civ. IV, N° 97.
[18] Cf. SIMLER (Ph.), et DELEBECQUE (Ph.), Droit civil, Les sûretés, la publicité foncière, Précis Dalloz, 4ème édition, 2004, P. 464.
[19] Il s’agit ici de la version de 1997, en vigueur au moment de la décision.
[20] Cf. art. 201, al. 2, AUS modifié.
[21] Article 122, alinéa 3, ancienne version AUS.
[22] MANDESSI BELL (E.), ‘’La « caducité » d’une hypothèque pour non-renouvellement de l’inscription hypothécaire, peut-elle être invoquée dans tous les pays de la zone OHADA pour faire échec à une procédure de saisie immobilière ?’’, http://www.camimo.com/reflex_olnew1.pdf.
[23] Tribunal de première instance de Yaoundé Centre Administratif, Ordonnance n° 632/C du 02 juin 2002, Affaire Mme Veuve AYISSI TSOGO née EBOUDOU ZAMBO Martine c/ Crédit Foncier du Cameroun, Me Pierre François Xavier MENYE ONDO, Monsieur le conservateur de la propriété foncière du Centre, Ohadata J-04-413, www.ohada.com.
[24] KALIEU ELONGO (Y. R.), ‘’Hypothèque’’, in Encyclopédie du Droit OHADA, p. 930.
[25] Pour plus de détails sur ce point, voir MELONE (S.), op. cit., p. 192.
[26] L’article 2 du code civil dispose en effet que « la loi ne dispose que pour l'avenir; elle n'a point d'effet rétroactif ».
[27] L’article 2134 CC dispose : « Entre les créanciers, l'hypothèque, soit légale, soit judiciaire, soit conventionnelle, n'a de rang que du jour de l'inscription prise par le créancier sur les registres du conservateur, dans la forme et de la manière prescrites par la loi, sauf les exceptions portées en l'article suivant ».
[28] CAMARA (F. K.), Cours de Droit Civil 1ère année, FSJP/UCAD, Année 2011/2012, http://fsjp.ucad.sn/files/t1c3s1.pdf.
[29] L’article 2154 CC dispose : « les inscriptions conservent l'hypothèque et le privilège pendant dix années, à compter du jour de leur date; leur effet cesse, si ces inscriptions n'ont été renouvelées avant l'expiration de ce délai ».
[30] C’est en effet au visa de l’art. 124, al. 2 AUS que le juge a rejeté la prétention fondée sur la caducité de l’hypothèque. On ne comprend pas pourquoi dans toute la liste dressée par cet article 124, le juge n’a retenu que la cause d’extinction tirée « l’extinction de l’obligation principale ». En effet, comme il avait décidé d’appliquer l’AUS, il aurait plutôt dû analyser la prétention sous l’ange de la cause tirée « de la péremption de l'inscription attestée, sous sa responsabilité, par le conservateur de la propriété foncière, cette attestation devant mentionner qu'aucune prorogation ou nouvelle inscription n'affecte la péremption ».
[31] Sur la question de la durée de validité des inscriptions hypothécaires, l’art. 123 AUS disposait : « L'inscription conserve le droit du créancier jusqu'à la date fixée par la convention ou la décision de justice ; son effet cesse si elle n'est pas renouvelée, avant l'expiration de ce délai, pour une durée déterminée ».
[32] MANDESSI BELL (E.), op. cit. Cet auteur fait observer que l’application du code civil conduisant à admettre la péremption des inscriptions hypothécaires est une erreur. Elle relève au passage que « malgré l'entrée en vigueur pourtant assez ancienne du Décret foncier (1932), de très nombreuses parties ont continué de fonctionner avec les règles du Code civil, souvent par ignorance des règles de la législation foncière ou par automatisme ».
[33] Il ressort de ce texte que : « L’hypothèque régulièrement publiée conserve son rang et sa validité, sans formalité nouvelle, jusqu’à la publication dans les mêmes formes de l’acte libératoire. La garantie hypothécaire des intérêts demeure soumise aux dispositions de l’article 2151 du code civil ». Il en ressort qu’une fois l’inscription faite, sa validité n’est pas en principe limitée dans le temps.
[34] D’après l’article 16 de ce décret « les dispositions du code civil et des lois françaises sont, en principe, applicables, d’une manière générale, aux immeubles immatriculés et aux droits qui s’y rapportent ».
[35] Voir à titre d’illustration MODI KOKO BEBEY (H.-D.) La réforme du droit des affaires de l'OHADA au regard de la mondialisation de l'économie http://www.institut-idef.org/La-reforme-du-droit-des-affaires.html.
[36] Cf. TPI Dla-Bonanjo ordonnance de référé n° 789 du 10 avril 2002 . Aff. Ntouma Nyamsi Alexandre c/ M. le conservateur des Domaines du Littoral, v. TEPPI KOLLOKO (F.), in juridis périodique n°55, juil-août-sept. 2003, pp.83 et 84.
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