Les petites notes

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L’hypothèque forcée judiciaire en droit de l’OHADA

Dans sa logique de garantir la sécurité juridique aux agents économiques régionaux et étrangers qui opèrent dans l'espace africain, le législateur de l’OHADA a toujours accordé une prio­rité au droit des sûretés[1]. Dès le départ, l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) a fait partie des trois premiers actes uniformes adoptés par l’OHADA[2]. De même, quand il a fallu mettre à jour les textes pour les adapter à l’évolution sociale et aux nouveaux impératifs de développement économique, cet acte uniforme a encore été l’un des premiers à être révisés. Cela se comprend aisément. Le droit des sûretés est une discipline sensible, assimilée par un auteur au « droit de la méfiance, ou plutôt peut-être celui de la prudence »[3]. Puisque la confiance n’exclut pas la méfiance, les agents économiques n’acceptent de placer les capitaux que s’ils sont assurés de retourner dans leurs investissements. En général, c’est l’existence d’une ou de plusieurs sûretés qui peut asseoir cette assurance. C’est en cela justement qu’on peut comprendre l’idée selon laquelle, « les sûretés apparaissent aujourd’hui comme un élément fondamental dans la négociation d’une opération de crédit »[4]. Pour une Afrique en quête d’investissements nécessaires à son développement économique et industriel, la réglementation des sûretés est un indice et un facteur d’attractivité.

 

Cette réglementation doit ainsi tendre à la satisfaction des créanciers en veillant à leur permettre de rentrer efficacement dans les fonds qu’ils ont investis. Mais, le souci de la protection du débiteur ne doit pas lui être étranger dans la mesure où la santé financière et économique de ce dernier est souvent le socle de survie des emplois et même de certains pans d’activités économiques[5]. C’est donc l’équilibre entre tous ces intérêts qui doit être recherché à travers les différentes règles qui vont être instituées. Mais, on ne doit pas perdre de vue qu’avant tout, c’est au profit du créancier que les sûretés existent. Tant l’ancienne version de l’AUS[6] que la version révisée expriment clairement cette idée dès leur premier article consacré à la définition de la notion de sûretés. Ainsi, il ressort particulièrement de l’actuel AUS qu’« une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant »[7]. Donc, la sûreté est pour le créancier un atout, un bénéfice, et pour le débiteur une charge.

 

Cependant, on relèvera que la constitution d’une sûreté ne doit pas être imposée au débiteur qui doit, en règle générale, y consentir. Cette modalité permet au débiteur d’apprécier l’enjeu de l’opération et de déterminer, le cas échéant, la valeur et le type de sûreté à constituer. Mais, le consentement du débiteur n’est pas toujours nécessaire à la constitution des sûretés. Par exemple, dans le cas du cautionnement, l’AUS dispose que l’engagement de la caution peut être contracté sans ordre du débiteur[8].

 

... la suite dans la Revue Juridis Périodique, n° 108, Octobre-Novembre-Décembre 2016, pp. 119-132.



[1] R. NJEUFACK TEMGWA, ‘’Réflexion sur les procédés alternatifs de réalisation des sûretés réelles conventionnelles en droit OHADA’’, in Recueil d'études sur l'OHADA et les normes juridiques africaines, Presses Universitaires d'Aix-Marseille, Vol. VI, p. 389.

[2] P. CROCQ, ‘’Les sûretés fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de réforme de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés’’, Dr. et Patrim., 2010, 197 ; ‘’Les grandes orientations du projet de réforme de l'Acte uniforme portant organisation des sûretés’’, Dr. et patrim. 2010 ; M. BRIZOUA-BI, ‘’L'attractivité du nouveau droit OHADA des hypothèques’’, Dr. et Patrim. 2010, 197 ; L. YONDO BLACK, ‘’Enjeu économique de la réforme de l'Acte uniforme OHADA portant organisation des sûretés : un atout pour faciliter l'accès au crédit’’, Dr. et Patrim. 2010, 197 ; A. MARCEAU-COTTE et L-J. LAISNEY, ‘’Vers un nouveau droit du gage OHADA’’, Dr. et Patrim, 2010, 197 ; O. FILLE-LAMBIE et A. MARCEAU-COTTE, ‘’Les sûretés sur les meubles incorporels : le nouveau nantissement de l'Acte uniforme sur les sûretés’’, Dr. et Patrim., 2010, 197.

[3] S. PIÉDELIÈVRE, Droit des sûretés, Éditions Ellipses, Coll. Cours magistral, 1ère édition, 2008, p. 3.

[4] L.-M. MARTIN, ‘’Sûretés traquées, crédit détraqué’’, Banque, 1975 1138. cité par S. PIÉDELIÈVRE, op. cit. p. 3.

[5] On a ainsi vu les gouvernements occidentaux voler au secours des banques au plus fort de la crise financière de 2008, ceci pour éviter un risque systémique.

[6] L’art. 1er, al. 1 de ce texte disposait : « les sûretés sont les moyens accordés au créancier par la loi de chaque État partie ou la convention des parties pour garantir l'exécution des obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci ».

[7] Art. 1er, AUS.

[8] Art. 13, al. 2 AUS révisé.



27/05/2018
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