Les petites notes

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Eléments de correction de l'épreuve de contrôle continu de procédure civile (année académique 2021-2022)

CONTRÔLE CONTINU DE PROCÉDURE CIVILE

 

(FSJP, UNIVERSITÉ DE DSCHANG, ANNÉE ACADÉMIQUE 2021-2022)

 

CAS PRATIQUE + ÉLÉMENTS DE CORRECTION DÉTAILLÉS

 

Monsieur Wamba commerçant installé à Douala mais avec un magasin à Dschang vous rencontre pour vous exposer divers problèmes auxquels il fait face et pour solliciter des éclaircissements.

Il souhaite rapidement recouvrer deux créances pour relancer son activité par ces temps de vie chère. La première créance est constatée par un chèque d’un montant de 7 millions de francs et la deuxième dont le montant n’est pas encore déterminé résulte d’un contrat conclu avec un fournisseur.

 

1-     Conseillez-le sur la procédure appropriée et la juridiction compétente pour le recouvrement (2,5X2= 5pts).

Eléments de réponse : En droit positif camerounais, diverses procédures sont instituées pour permettre au créancier de recouvrer les créances qu’il a sur son débiteur. On peut les classer en procédure de droit commun parce que toujours ouverte en principe, et en procédures d’exception, parce que n’étant ouverte que si des conditions particulières sont remplies, tel est notamment le cas des procédures simplifiées de recouvrement à l’instar de l’injonction de payer. Parfois, le créancier a la possibilité de choisir le type de procédure (droit commun ou procédure simplifiée de recouvrement) à mettre en œuvre, mais, des fois aussi, il est contraint, au vu des caractéristiques de la créance considérée, de ne pouvoir valablement mettre en œuvre que la procédure de droit commun.

 

Les faits de l’espèce indiquent bien que Monsieur Wamba dispose de deux créances dont il souhaite assurer le recouvrement. Celles-ci ne présentent pas les mêmes caractères. Il convient surtout, afin de mieux conseiller Monsieur Wamba de vérifier, pour chacune de ces créances s’il est possible de mettre en œuvre les procédures simplifiées de recouvrement, plus rapides en principe, et en cas de réponse négative seulement, de le mettre sur la voie de la procédure de droit commun. Il convient alors dans ce cadre de rappeler les conditions de mise en œuvre de la procédure simplifiée de recouvrement des créances de sommes d’argent qu’est l’injonction de payer et, par la suite de les vérifier vis-à-vis de chaque créance.

 

D’après l’article 1er de l’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE), « le recouvrement d'une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d'injonction de payer ». À la réalité cependant, en plus de ces conditions, la créance doit être d’une origine particulière. L’article 2 précise en effet que « la procédure d'injonction de payer peut être introduite lorsque : 1) la créance a une cause contractuelle ; 2) l'engagement résulte de l'émission ou de l'acceptation de tout effet de commerce, ou d'un chèque dont la provision s'est révélée inexistante ou insuffisante ». Ces exigences sont alternatives.

 

Revenant aux faits de l’espèce, il est dit que :

-        La première créance est certaine (son principe étant acquis), liquide (son montant est déterminé : 7 millions) et constatée par un chèque (ce qui par ailleurs fait présumer qu’elle est exigible, le chèque étant un instrument de paiement), ce qui est conforme à l’alinéa 2 de l’article 2 AUPSRVE. Nous pouvons conseiller à Monsieur Wamba de suivre la procédure d’injonction de payer (il lui est toutefois loisible d’engager la procédure de droit commun. Il a donc le choix, mais nous lui conseillons la procédure qui paraît la plus rapide, au moins dans l’hypothèse où les voies de recours n’entrainent pas son enlisement). La juridiction compétente est, conformément aux dispositions combinées des articles 5, alinéa 1 AUPSRVE (qui prévoit que la décision est rendue par le président de la juridiction compétente) ; l’article 18, alinéa 1, b de la loi n° 2006/015 portant organisation judiciaire (qui prévoit que le recouvrement des créances constatées par un chèque est de la compétence du TGI) et l’article 3 AUPSRVE (qui prévoit que c’est la juridiction du domicile ou de la résidence du débiteur qui est compétente), est le président du tribunal de grande instance du lieu de situation du débiteur.

 

-        La seconde, bien qu’apparemment certaine, n’est cependant pas encore déterminée dans son montant. Au vu de ces éléments, la procédure d’injonction de payer n’est plus envisageable. Il reste seulement à Monsieur Wamba d’engager la procédure de droit commun. La détermination de la juridiction compétente est un peu rendue difficile parce que le montant de la créance n’est pas déterminé, le législateur n’ayant pas spécialement prévu cette hypothèse. Comblant ce vide cependant, la jurisprudence admet le TGI au statut de juridiction de droit commun en soumettant à sa compétence les demandes non chiffrées[1] encore dites demandes indéterminées[2]. Ainsi, nous pouvons conclure que Monsieur Wamba devra saisir le TGI du lieu de situation du débiteur de cette créance.

 

2-     Quelle serait la voie de recours et la juridiction compétente en cas de recours contre la décision rendue par le juge saisi ? (2.5X2=5pts).

Éléments de réponse : En fonction de la procédure initiale, les voies de recours et les juridictions compétentes pour les connaitre ne sont pas forcément les mêmes. La réponse doit donc être envisagée en tenant compte de chaque situation.

 

Concernant la première créance pour le recouvrement de laquelle la procédure d’injonction de payer à été conseillée. Il convient de dire que la question des voies de recours dépend de la nature de la décision de la juridiction saisie : si elle a rejeté la demande, sa décision ne peut faire l’objet d’aucune voie de recours (art. 5, al. 2 AUPSRVE[3]) ; si cependant, elle a rendu une ordonnance d’injonction de payer, la personne condamnée dispose de la voie de l’opposition pour contester la décision et la juridiction compétente est le TGI (art. 9 AUPSRVE[4]).

 

 

 

Relativement à la seconde créance, la procédure mise en œuvre étant celle de droit commun, il faut dire que la voie de recours sera l’appel devant la Cour d’appel territorialement compétente en fonction de la localisation de la juridiction d’instance ayant rendu le jugement querellé. Toutefois, si le jugement est rendu par défaut, la voie de l’opposition sera ouverte au profit de la partie ayant fait défaut et la juridiction compétente sera alors le TGI ayant rendu la décision par défaut.

 

 

Entre temps, l’un de ses salariés qui le poursuivait en justice pour le payement de son indemnité de licenciement a obtenu gain de cause et le jugement est assorti de l’exécution provisoire. Immédiatement après avoir obtenu l’expédition, le salarié a fait saisir les comptes de M. Wamba logé à la BICEC. Ce dernier se demande :

 

3-     Si l’exécution provisoire a été régulièrement octroyée (5pts)

Éléments de réponse : En principe, la décision du juge d’instance n’est pas d’office exécutoire. Ceci est notamment la conséquence du fait que l’appel et son délai ont un effet suspensif, ce qui implique que, tant que le délai ou la procédure en appel courent, la personne condamnée en instance ne peut encore faire l’objet d’une procédure d’exécution forcée. Mais, tenant compte de certains paramètres, le législateur camerounais (loi n° 92/008 du 14 août 1992, modifiée par la loi n°97/018 du 07Août 1997) a, exceptionnellement autorisé le juge d’instance, en certaines matières, à assortir sa décision de la modalité d’exécution provisoire dont la portée est de paralyser l’effet suspensif de l’appel. Avec l’avènement de l’AUPSRVE, surtout en l’alinéa 1er de son article 32 qui dispose qu’« à l'exception de l'adjudication des immeubles, l'exécution forcée peut être poursuivie jusqu'à son terme en vertu d'un titre exécutoire par provision », un vif débat sur son domaine est né tant en doctrine qu’en jurisprudence. On discute en effet sur le point de savoir si elle peut intervenir en toute circonstance comme le suggère l’article 32 AUPSRVE ou si son domaine est restreint à certaines matières comme c’est le cas dans la législation interne du Cameroun.

 

La primauté du droit de l’OHADA d’une part, et l’ouverture favorisée par la Cour suprême du Cameroun qui, dans une espèce, a estimé qu’« il n’est pas interdit au juge d’ordonner l’exécution provisoire en dehors des cas y expressément prévus et que dans cette hypothèse, le juge d’appel a la faculté d’accorder ou non les défenses à exécution »[5], d’autre part, permettent de dire que le seul fait d’ordonner l’exécution provisoire en dehors des cas expressément visés n’est pas une faute pour le juge. Nous pouvons donc estimer que, bien que les indemnités de licenciement n’aient pas été expressément visées (on peut douter de leur assimilation aux « salaires non contestés »), l’exécution provisoire ordonnée n’est pas irrégulière.

 

4-     S’il peut contester cette exécution provisoire. Si oui comment ? Si non pourquoi ? (3pts)

Éléments de réponse : Par principe, la mesure d’exécution provisoire peut être contestée par le biais d’une voie de recours (les défenses à exécution si la mesure est prononcée en faveur d’une décision rendue en premier ressort ; la suspension d’exécution si la mesure était relative à une décision rendue en dernier ressort). Il faut cependant, au vu de l’article 32 AUPSRVE et de l’interprétation qu’en donne la CCJA, distinguer selon que la voie de recours intervient avant tout commencement d’exécution (ce qui est admis par la CCJA : arrêt n°086/2021 du 27 mai 2021, Aff Total Centrafrique C/ Agence de stabilisation des prix des produits pétroliers cf Fiche 5 TD) ou selon qu’elle vise à paralyser la continuation d’une exécution déjà entamée (ce qui est interdit par la CCJA : Arrêt n°22/2022 du 27 janvier 2022, Aff. Me SOMTE Emile C/M. Houphouet-Boigny Olivier, Veuve Houphouet-Boigny Thérèse N. née Brou).

 

En l’espèce, les faits indiquent clairement que la saisie était déjà pratiquée. Donc, l’exécution avait déjà commencé, il n’était donc plus possible de l’arrêter.

 

En guise de conclusion, nous estimons que, sur le principe, la décision d’exécution provisoire peut être contestée ; seulement, cette contestation n’était pas efficace en l’espèce puisque l’exécution de la décision était déjà entamée.

 

Méthodologie : 2pts



[1] C.S. arrêt n° 8/CC du 12 Avril 1990, affaire NZITOUO Thomas c/ TAMEGHI Boniface ; inédit.

 

[2] C.S., arrêt n° 38/CC du 1er août 1976, affaire Ets PINGOUIN c/SOAEM. Inédit.

 

[3] « Si le président de la juridiction compétente rejette en tout ou en partie la requête, sa décision est sans recours pour le créancier sauf à celui-ci à procéder selon les voies de droit commun ».

 

[4] « Le recours ordinaire contre la décision d'injonction de payer est l'opposition. Celle-ci est portée devant la juridiction compétente dont le président a rendu la décision d'injonction de payer ».

 

[5] CS, arrêt n° 190/P, du 18 août 1994, Affaire Procureur général CS c/ NKONCHECHOU Rigobert et FAMBEU Nicole et autres, obs André AKAM AKAM, in Lex Lata n° 006, du 30 décembre 1994.



14/05/2022
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