L’indivision et la copropriété des immeubles
L’indivision et la copropriété des immeubles
Travail à faire : Dissertation juridique
1- L’indivision est-elle une modification du droit de propriété ou une limite de celui-ci ?
2- Le rapport de voisinage dans la copropriété
Notes et rappels :
- Art. 815 : « Nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision, et le partage peut être toujours provoqué, nonobstant prohibitions et conventions contraires.
On peut cependant convenir de suspendre le partage pendant un temps limité : cette convention ne peut être obligatoire au-delà de cinq ans ; mais elle peut être renouvelée. »
- L’indivision peut se définir comme la situation juridique née de la concurrence de droits de même nature exercés sur un même bien ou sur une même masse de biens par des personnes différentes, sans qu’il y ait division matérielle de leurs parts[1].
- C’est la « situation juridique dans laquelle la propriété d'un bien ou d'un ensemble de biens est répartie entre plusieurs personnes, bénéficiant du même type de droits, sans qu'une division matérielle en parts du bien considéré ait été réalisée »[2].
- L’indivision est une modalité qui affecte le droit de propriété en ceci que ce droit est exercé par plusieurs personnes sur le même objet[3]. Ici, le droit de propriété de chacun (copropriétaire) est ramené à une fraction ou quote-part, laquelle ne saurait être localisée matériellement sur tel ou tel segment de la chose ; la quote-part de chaque indivisaire « porte sur la totalité et sur chaque atome du bien »[4].
- Mode de propriété ayant des origines anciennes, entériné par le Code Napoléon de 1804, malgré les critiques des juristes du XIXe siècle, l'indivision a pour caractéristique de mettre un bien en propriété indivise. Cette situation résulte le plus souvent de la transmission d'un patrimoine par une personne décédée ayant plusieurs héritiers, en attendant le partage de ces biens et le règlement définitif de la succession entre les héritiers. Il est également possible de créer une indivision par convention, notamment pour organiser la situation de copropriétaires d'un bateau exploité en commun, ou d'un immeuble bâti sur des parties communes.
- Les indivisaires sont liés, et chacun d'entre eux possédant concurremment toute la chose, selon des quotes-parts qui peuvent être différentes, il n'existe pas de division des droits sur cet objet entre les co-indivisaires. L'accord unanime de tous les coindivisaires est donc obligatoire pour effectuer des opérations de gestion ou de vente d'un des biens[5]. Si l'un des indivisaires souhaite vendre sa part de propriété à une personne étrangère à l'indivision, les autres bénéficient d'un droit de préemption, c'est-à-dire qu'ils peuvent, par préférence, se porter acquéreurs de la part mise en vente. Si l'un des co-indivisaires refuse la vente, celle-ci est impossible[6]. Dans la mesure où, selon l'article 815 du Code civil, « nul n'est tenu de rester en indivision », le partage du bien peut toujours être décidé par le tribunal dont l'intervention est souvent nécessaire en raison des litiges qui peuvent accompagner ce type de solution juridique.
- Au sujet de la fin de l’indivision, il faut retenir qu’elle ne peut avoir lieu qu’à la suite d’un partage. Il a, en effet, été jugé par la cour de cassation française que La jouissance divise d'un bien n'implique pas qu'il ait été mis fin à l'indivision sur ce bien, laquelle ne peut cesser que par un partage[7].
- Pour qu’il y ait indivision, il faut que :
- Qu’il n’y ait pas division matérielle : que les portions des uns et des autres ne soient pas matérialisées
- Qu’il n’y ait pas division juridique : que le droit de propriété ne soit pas démembré entre les différents indivisaires, mais, que chacun participe sur le même bien à tous les attributs du droit de propriété.
- L’aspect concurrentiel de l’indivision : en général toute copropriété est une concurrence en ceci que, plusieurs droits de même nature (la propriété) s’exercent sur la même chose.
- Indivision matérielle (base matérielle de la copropriété) : Dans toute indivision, chaque indivisaire dispose d’un droit sur le tout. Ainsi, la copropriété est différente à une division matérialisée qui séparerait la chose en plusieurs morceaux privatifs. « La copropriété est le contraire d’une division géographique »[8] ; ainsi, dès que chaque personne peut déterminer sa part, la reconnait matériellement, il n’y a plus indivision ou copropriété ; car, dans ce cas les droits des uns et des autres ne seraient plus concurrents mais, privatifs, personne n’ayant plus le droit de poser des actes sur la portion des autres.
- Indivision juridique (L’indivision est une pluralité de droits de même nature) : « dans une copropriété, chacun des copropriétaires a, juridiquement, sur le tout, un droit de même nature »[9]. Ici, il est important de retenir que dans une copropriété ou indivision, le droit de propriété n’est pas démembré entre les copropriétaires, mais chacun a sur la même chose tous les attributs du droit de propriété (usus, fructus, abusus) ; cependant l’exercice de ces attributs se fait de façon concurrentielle (voir supra), car tous ont les mêmes droits.
- L’aspect fractionnel de l’indivision : dans toute indivision, chaque indivisaire a dans la copropriété une quote-part, cette quote-part prend en général la forme d’une fraction qui donne pour chacun la mesure de sa vocation au partage et de son obligation aux charges. En effet, l’indivision peut se terminer par partage, et dans ce cas, chacun ne recevra que sa quote-part telle que la fraction a été connue depuis. De plus, l’indivision étant comme une propriété collective, ses charges et risques seront supportés par les indivisaires et ce, proportionnellement à la quote-part de chacun.
- La typologie des indivisions : elle peut être ordinaire, forcée et perpétuelle ou conventionnelle.
- Indivision ordinaire : c’est celle qui naît entre cohéritiers appelés à recueillir une succession, celle-ci subsiste du jour du décès au jour du partage. C’est aussi celle qui s’établit à la dissolution d’un mariage entre les ex époux (cas de divorce) ou entre l’époux survivant et les héritiers de l’époux décédé, sur les biens ayant appartenu à la communauté. Une autre hypothèse est celle des personnes ayant acquis en commun un même bien.
- La copropriété perpétuelle : son caractère perpétuel est dû d’une part, à la nature de son objet, elle a en effet une assiette limitée (elle ne peut porter que sur des dépendances de deux immeubles voisins : copropriété des cours, des puits, de certains murs exclusivement[10]) et, d’autre part, à sa destination, en effet, cette copropriété doit être utile à deux immeubles voisins. Ici, le caractère perpétuel empêche la sortie unilatérale de l’indivision[11].
- L’indivision conventionnelle : c’est celle qui est issue dune convention ; ici, la convention peut avoir une durée définie, de plus, l’indivision est pourvue d’organes de gestion.
comparaison entre copropriété et indivision
- Alors que dans l’indivision on assiste à une indivision physique et juridique, « L’immeuble soumis au statut de la copropriété est juridiquement divisé en lots correspondant chacun, d’une part, à une partie privative, et d’autre part, à une quote-part des parties communes ».
- Dans l’indivision, chacun sait qu’il est propriétaire d’une portion dont il connait la valeur sans véritablement pouvoir en dessiner matériellement les contours. Dans la copropriété cependant, les parties privatives sont nettement distinctes les unes des autres. Les parties privatives sont d’ailleurs des propriétés exclusives (voir article 10, loi relative à la copropriété des immeubles).
- Copropriété et indivision font partie de ce qu’il convient d’appeler les propriétés collectives.
- Dans une indivision, on ne distingue par les parties communes de celles privatives alors que cette distinction est de rigueur dans le régime de la copropriété.
- En réalité, la copropriété implique généralement une indivision représentée par les parties communes.
L’INDIVISION EST-ELLE UNE MODIFICATION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ OU UNE LIMITE DE CELUI-CI ?
L’indivision sera vue comme une simple modification si elle change juste la façon du droit de propriété de s’exercer sans remettre en cause les prérogatives de propriétaire des indivisaires. En revanche, si elle entraîne une remise en cause ou si elle tempère ces prérogatives, on la classera dans la catégorie des limites. Ces considérations terminologiques faites, on remarque que si apparemment les indivisaires sont vus comme possédant toutes les prérogatives reconnues à propriétaire laissant croire que l’indivision n’est qu’une simple modification du droit de propriété (I), une analyse un peu poussée laisse voir en l’indivision une véritable limite du droit de propriété (II).
- L’indivision, une apparente modification du droit de propriété : en général, on soutient que l’indivision ne fait que modifier le droit de propriété sans le dénaturer, ceci dans la mesure où les indivisaires continuent à jouir de toutes les prérogatives reconnues à tout propriétaire et que seule la modalité de leur exercice change en ce qu’ils doivent se concerter pour certains actes. Ainsi, chaque indivisaire peut user, jouir et disposer de sa quote-part. Dans cette même logique, on peut observer que le droit, reconnu à chaque indivisaire, de provoquer la sortie de l’indivision en demandant le partage signifie que l’indivision ne fait pas, en tant que tel, obstacle au pouvoir de disposition du propriétaire indivis. En effet, grâce à cette possibilité, on constate que ne demeure dans l’indivision que celui qui le veut. autrement, il suffit de solliciter et d’obtenir le partage. Le droit de disposition ne signifie-t-il pas faire de son bien ce qu’on veut, le laisser dans une indivision ou l’en sortir ? Mais, ce pouvoir n’est pas direct comme dans un véritable droit de propriété où le titulaire n’a d’ordre ni d’intervention tierce à solliciter pour disposer de son bien. Le partage, amiable ou judiciaire, est une modalité tellement contraignante qu’elle limite l’efficacité du droit de disposition.
- L’indivision, une véritable limite du droit de propriété : L’indivision peut être vue comme une limite du droit de propriété dans la mesure où elle affecte le droit de propriété et se traduit en définitive par quelques restrictions aux pouvoirs du propriétaire. Mais comme nous l’avons autrement dit plus haut, elle n’entraîne pas démembrement du droit de propriété. Les indivisaires exercent tous, toutes les prérogatives dévolues à un propriétaire. Le problème ici, c’est que les caractères exclusif et absolu du droit de propriété sont en suspens :
- Ceci dans la mesure, où bien que disposant de toutes les prérogatives de propriétaire ou encore disposant d’un droit exclusif sur la quote-part éventuelle (virtuelle), un indivisaire ne peut en général agir seul. Il doit composer avec les autres.
- Bien plus, comme le relève le Doyen Carbonnier : « la pleine aliénabilité, cessibilité, transmissibilité du bien est un attribut capital de la propriété »[12]. Or, on va constater que dans une situation d’indivision, ces possibilités sont sérieusement limitées. Exemple : si un indivisaire décide de céder sa quote-part, les autres ont un droit de préemption. Pourtant, disposer de sa chose, c’est pourvoir le vendre quand on veut, au prix qu’on veut et à qui l’on veut, possibilités limitées dans le cadre d’une indivision. Aussi, pour sortir de l’indivision, il faut passer une opération (le partage) ce qui limite la pleine disponibilité du droit de propriété.
- Bien plus, il est quasiment impossible de sortir de certaines indivisions. C’est le cas de copropriétés forcées ou perpétuelle. Il s’agit de celles, portant sur un bien immobilier lui-même accessoire de deux droits de propriété et participant de leur nature perpétuelle (cour commune, allées…). Selon le Doyen Carbonnier, du fait de la nature perpétuelle de cette copropriété, aucun des copropriétaires ne peut ni « aliéner sa quote-part sur le bien indivis indépendamment de l’immeuble dont elle est l’accessoire inséparable », ni « imposer à l’autre le partage en se prévalant de l’art. 815, al. 1 »[13]. Dans ce cas, on voit justement que le propriétaire (indivis) perd le pouvoir de disposition sur son bien.
LE RAPPORT DE VOISINAGE DANS LA COPROPRIÉTÉ
Ce sujet nous invite sensiblement à étudier le mode de fonctionnement et d’organisation d’une copropriété. Etant donné qu’une copropriété est une situation dans laquelle la propriété des immeubles bâtis ou à bâtir, répartie par lots et comprenant chacun, une partie privative et une quote-part des parties communes appartient à plusieurs personnes. Celles-ci devant cohabiter, la loi a organisé les rapports devant exister entre elles afin que cette cohabitation soit paisible et harmonieuse.
A la différence du thème précédent portant sur les troubles de voisinage, on verra ici que les rapports de voisinage dans la copropriété ne dépendent pas seulement de la distinction entre troubles normaux et ceux anormaux. Ainsi, dans une copropriété, les rapports de voisinage sont organisés autour d’un ensemble de droits et d’obligations bien définis par le législateur ou par le règlement de copropriété[14]. En gros, nous pouvons étudier ces rapports en suivant la distinction faite entre la gestion des parties communes et celle des parties privatives. La règle est que, chaque copropriétaire use et jouit librement des parties tant privatives que communes, à condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble (voir article 10, alinéa 2).
I- Les droits et obligations des voisins copropriétaires sur les parties communes
- La jouissance paisible des parties communes
- La contribution proportionnelle (à la valeur de chaque lot) aux charges collectives
Voir art. 14, al. 2 : « Les copropriétaires sont également tenus de participer aux charges générales relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes, proportionnellement aux valeurs des parties privatives comprises dans leurs lots.
II- Les droits et obligations des copropriétaires sur les parties privatives relativement au voisinage
- L’exclusivité des prérogatives sur la partie privative
- L'application du régime des troubles anormaux de voisinage
- Le respect de la destination des lots
TCHABO SONTANG Hervé Martial
Assistant, Droit Privé, FSJP Uds
[1] Cf. Lexique des termes juridiques, 14ème édition, Dalloz, P. 315.
[2] Microsoft ® Encarta ® 2008. © 1993-2007 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
[3] « C’est une propriété plurale » cf. CORNU (G.), Droit civil, Introduction, Les personnes, Les biens, 8ème édition, 1997, Monchrestien, P. 406.
[4] Cf. CARBONNIER (J.), Droit civil, T. 3, Les biens, 14ème édition, Paris, PUF, P. 143.
[5] Mais, un indivisaire peut seul poser des actes conservatoires relativement au bien commun. Dans un arrêt, la Cour de cassation française décide que tout indivisaire a le pouvoir d’intenter seul l’action en revendication, qui entre dans la catégorie des actes conservatoires. (Voir Civ. 3ème,4 déc. 1991, Bull. civ. III, N° 305)
[6] Dans ce cas, il reste à l’indivisaire ainsi mis en difficulté de solliciter le partage, après quoi, il pourra librement disposer de son bien.
[7] Cf. Cass. 3 novembre 2005, Aff. Consorts Malbo C. Mme Baudière et autres, N° 04-11.424 Bulletin 2005 III N° 211 p. 192
[8] Cf. CORNU (G.), op. cit. P. 407.
[9] Idem.
[10] Cf. CORNU (G.), op. cit. P. 413.
[11] Selon CARBONNIER (J.), op. cit., P. 143, aucun des copropriétaires ne peut ni aliéner sa quote-part sur le bien indivis indépendamment de l’immeuble dont elle est l’accessoire inséparable ; ni imposer à l’autre la partage sur le fondement de l’article 815 CC.
[12] Cf. CARBONNIER (J.), op. cit. P. 137.
[13] Cf. CARBONNIER (J.), op. Cit. P. 155.
[14] D’après l’Art. 29 de la loi du 21 déc. 2010 régissant la copropriété des immeubles, – Le règlement de copropriété a pour objet de garantir l’organisation et la bonne administration de la copropriété. A ce titre, il détermine les parties tant privatives que communes ainsi que leurs conditions ; fixe également sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l’administration des parties communes ; détermine les modalités de répartition des charges prévues par l’article 3 de la présente loi.
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