La libre circulation dans la CEMAC, de qui se moque la Conférence des Chefs d'État de la CEMAC?
À l’issue de la 12ème session de la Conférence des Chefs d’États dans la CEMAC, le Communiqué Final dressé par le Président de la Commission de la CEMAC, rapporteur des sessions de la Conférence des Chefs d’État en vertu de l’article 15 du Traité de N’Djamena tel que révisé le 30 janvier 2009, nous révèle que les membres de la plus haute instance décisionnelle de la CEMAC ont « décidé de l’application immédiate de l’Acte additionnel y relatif sur l’ensemble du territoire de la CEMAC », autorisant ainsi les ressortissants des pays de la CEMAC « à circuler sans visa, à l’intérieur du territoire communautaire, munis soit de la carte d’identité biométrique, soit du passeport biométrique, soit du passeport CEMAC biométrique homologué ». Soit !
Cependant, doit-on se réjouir d’un tel coup d’éclat ? La question semble bête dans la mesure où tous les citoyens ressortissants des États membres de la CEMAC n’attendent que la mise en œuvre effective de ce pilier de l’intégration économique consacré par le droit primaire de la CEMAC, notamment l’article 2, c) de la Convention de l’UEAC telle que modifiée le 25 juin 2008. Et donc, a priori, il faut s’en réjouir.
Mais, pour un bloc d’États qui veut bénéficier du label « Communauté de droit », il semble qu’il y ait là un véritable problème. Il convient très rapidement de s’interroger sur la valeur du Communiqué final dans l’ordonnancement juridique de la CEMAC. Le fait que l’on semble beaucoup s’appuyer sur un passage de Communiqué final pour fonder l’espoir d’une révolution positive dans le CEMAC interpelle. Un citoyen pourrait-il invoqué le communiqué final ? Il est permis de douter. Car, le Communiqué final, simple rapport des séances de travail des organes de la Communauté, ne figure pas au rang des instruments juridiques, sources du droit communautaire CEMAC.
Par ailleurs, cette sortie des Chefs d’État semble traduire et confirmer l’idée selon laquelle, dans la CEMAC, l’humeur des Chefs d’États et des autorités publiques et policières en général est plus importante que les textes sur lesquels la Communauté s’appuie. Dans une Organisation fondée sur le droit, la règle, dès qu’elle est adoptée et entrée en vigueur, doit être appliquée et au besoin, par le moyen de la force. Curieusement, avant ce Communiqué final, il n’y avait pas de vide juridique sur la question de la libre circulation dans la CEMAC. En mettant de côté le cadre juridique de 1972 hérité de l’UDEAC, la CEMAC a adopté quelques instruments se rapportant directement, spécialement ou généralement, à la libre circulation des citoyens. Il s’agit, entre autres, de la Décision n° 02/08-UEAC-CM-17 du 20 juin 2008 portant liste des personnes admises à titre transitoire à circuler sans visa en zone CEMAC ; du Règlement n° 01/08-UEAC-042-CM-17 du 20 juin 2008 modifiant le Règlement n° 1/00-CEMAC-042-CM-04 portant institution et conditions de gestion et de délivrance du Passeport CEMAC ; de la Convention du 25 juin 2008 régissant l’Union Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale (UEAC) et surtout de l’Acte additionnel n° 01/13-CEMAC-070 U-CCE-SE du 25 juin 2013 portant suppression du visa pour tous les ressortissants de la CEMAC circulant dans l'espace communautaire.
L’ordre juridique communautaire étant autonome, l’entrée en vigueur de ces textes n’obéit, en règle générale, qu’aux modalités fixées au niveau communautaire. Prenant le cas de l’Acte additionnel de 2013 précité, il y est précisé que la libre circulation qu’il consacre prend effet dès le 31 décembre 2013 (article 4). En conséquence, aucun acte n’était plus attendu, ni des autorités nationales, ni des autorités communautaires pour valider, autoriser ou encore décider (comme il est dit dans le Communiqué final) de cette entrée en vigueur, laquelle devait se faire de façon automatique à la date indiquée dans le texte.
Sur la question de la libre circulation dans la CEMAC, une décision était bien attendue des Chefs d’État : celle du constat de l’ineffectivité de la libre circulation, de l’identification des causes de cette situation et des sanctions correspondantes, précisément en invitant la Commission à mettre en œuvre la procédure de l’action en manquement contre les États concernés (Art. 4 et 35 Traité). De même, le souci d’efficacité de leur action et de l’effectivité des mesures adoptées aurait dû conduire l’instance suprême de la CEMAC à suivre l’exemple de l’UEMOA qui a institué et organisé un Observatoire des Pratiques Anormales (OPA) dont la mission essentielle est de relever les mauvaises pratiques qui entravent la libre circulation dans l’UEMOA et à les consigner dans des rapports trimestriels.
En l'État actuel, il peut être dit que la Conférence des Chefs d'État de la CEMAC se moque de l'ordre juridique de la Communauté en ne
se souciant pas de l'effectivité du cadre juridique devant permettre l'intégration des peuples de la sous région. En attendant la suite...
TCHABO SONTANG H. M.
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