Les petites notes

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Contrôle continu de droit des sûretés, (FSJP, Université de Dschang, année académique 2021-2022)

CAS PRATIQUE

 

Mr KOUNA installé à Dschang travaille dans une entreprise d’assurance de la place. Grâce à la rémunération qu’il perçoit chaque fin de mois, il a pu acquérir un véhicule, des parts d’une SARL, et une parcelle de terrain qu’il exploite en y effectuant des activités agricoles. Pour arrondir ses fins de mois, il décide de se lancer dans la culture des vivres frais. Afin d’obtenir le financement nécessaire, il se rapproche de son banquier qui lui demande de fournir une sûreté.

 

1-                  Quels types de sûretés Mr KOUNA peut-il constituer ?

 

Éléments de réponse : En droit de l’OHADA, il existe une grande variété de sûretés susceptibles d’être constituées pour garantir l’exécution d’une obligation. En général, les parties ont le choix du type de sûreté à mettre effectivement en place ; elles peuvent même, pour la même obligation, mettre en place différentes sûretés. Mais, le type de sûreté ne dépend pas toujours de la volonté des parties, il est essentiellement tributaire de la nature du bien qui en est l’objet ou du statut de la personne qui entend se porter garant. Il est en effet clair qu’on ne constitue pas n’importe quel type de sûreté réelle sur n’importe quel type de bien, de même, une personne physique ne peut s’engager au titre de n’importe quelle sûreté personnelle.  Dès lors, l’identification et la qualification des sûretés susceptibles d’être constituées dans un cas précis doivent se faire avec beaucoup de vigilance afin de ne pas adopter une qualification incompatible et dont la conséquence sera d’hypothéquer l’efficacité de la sûreté. Il faut en effet garder à l’esprit que la plupart des sûretés se constituent par un écrit, lequel doit généralement contenir, à peine de nullité, entre autres mentions, celle relative à la dénomination (qualification) de la sûreté en question. En général, lorsque cette mention est manquante ou erronée, la CCJA conclut que la sûreté n’est pas constituée (au sujet de la garantie autonome : CCJA, Arrêt N° 159/2020 du 30 avril 2020, SONIBANK SA contre Bolloré Africa Logistics Niger SA. Et Entreprise Wazir SA ; CCJA, 3e Ch , no 211/2021 du 25 Novembre 2021). Il faut donc être très précis dans l’opération de qualification ou d’identification des sûretés susceptibles d’être constituées afin de conseiller efficacement son client.

 

La première des choses à savoir est que si la sûreté consiste en l’engagement d’un tiers, c’est du côté des sûretés personnelles qu’il faut chercher. Si, en revanche, elle doit porter sur un bien ou sur un droit réel principal, c’est du côté des sûretés réelles qu’il faut regarder.

 

Les faits de l’espèce indiquent que les hypothèses de sûreté envisagées concernent des biens : un véhicule, des parts d’une SARL, et une parcelle de terrain. Il doit donc s’agir exclusivement de sûretés réelles. Il s’agit bien évidemment d’une catégorie qui renferme en son sein une multitude de sous classifications fondées notamment sur la nature du bien ou des modalités telles que la dépossession.

 

Suivant la nature du bien, on distingue globalement les sûretés immobilière et mobilières. Au titre de sûreté immobilière, l’AUS n’a consacré que l’hypothèque (Art. 190 AUS). Il est donc aisé de conclure que le terrain de Monsieur Kouna, du fait de sa nature immobilière, est et n’est susceptible que d’une l’hypothèque.

 

En ce qui concerne les biens meubles, à l’instar du véhicule et des parts des SARL cités dans les faits, il faut notamment tenir compte, pour l’identification de la sûreté appropriée, de leur nature corporelle (véhicule automobile) ou incorporelle (parts sociales). Dans ce dernier cas, et en vertu de l’article 125 AUS qui soumet les meubles incorporels au régime du nantissement, nous dirons que la sûreté à mettre en œuvre au sujet des parts de la SARL est le nantissement des droits d'associés et valeurs mobilières (art. 140 AUS). Le véhicule automobile étant un bien meuble corporel, et conformément à l’article 92 AUS, c’est un gage qui sera mis en place en ce qui le concerne, précisément le gage des véhicules automobiles (art. 119, AUS).

 

2-                  Quelles sont les conditions de validité et d’opposabilité aux tiers ?

 

Éléments de réponse : L’efficacité des sûretés est tributaire de leur validité et de leur opposabilité aux tiers. Il faut, pour cela, que certaines conditions soient remplies. Il est évident que celles-ci varient selon que la finalité est la validité de la sûreté (pour lui permettre de produire ses effets entre les parties) ou son opposabilité (pour garantir ses effets à l’égard des tiers). Aussi, en fonction des types de sûreté, ces conditions ne sont pas toujours les mêmes.

 

Concrètement, trois types de sûreté ayant été envisagés dans la question précédente, c’est à leur sujet que les conditions de validité et d’opposabilité seront précisées. L’on insistera surtout sur les conditions de forme.

 

D’abord, concernant l’hypothèque, la validité suppose un acte notarié (art. 201 AUS) et pour être opposable, l’acte constitutif d’hypothèque doit être publié au livre foncier (art. 195, al. 1 AUS).

 

Ensuite, s’agissant du nantissement des droits d’associés et des valeurs mobilières, il faut un écrit pour la validité (art. 141 AUS), et une inscription au RCCM pour l’opposabilité (art. 143 AUS).

 

Enfin, relativement au gage du véhicule automobile, l’écrit est aussi exigé pour la validité (art. 96 AUS) et, pour son opposabilité, la mention de gage doit être portée sur le titre administratif portant autorisation de circuler et immatriculation et, surtout, il doit être inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier (art. 119 AUS).

 

Mr KOUNA fait part de son projet à son meilleur ami M. KANA qui est le directeur général de la compagnie d’assurance dans laquelle il travaille. Ce dernier décide de s’engager auprès de la banque à payer la somme due en cas de défaillance. Seulement, la banque exige de lui qu’il renonce à se prévaloir de tout ce qui pourrait avoir pour effet de réduire, d’éteindre ou de différer le paiement de la dette principale.

 

3-                  À quelle sûreté la banque fait elle allusion ?

4-                  Peut-elle être mise en œuvre selon les modalités proposées par la banque ?

 

Éléments de réponse des questions 3 et 4 : Comme cela a été rappelé dans le cadre de l’analyse de la question n° 1 ci-dessus, lorsque la sûreté consiste en l’engagement d’un tiers, la garantie prend la forme d’une sûreté personnelle et peut consister en l’un des deux types consacrés par l’AUS que sont le cautionnement (caractérisé par un rapport d’accessoire entre l’obligation de basse et l’obligation de garantie et, en conséquence, l’opposabilité des exceptions) ou la garantie autonome (caractérisée, quant à elle, par l’autonomie du rapport de garantie par rapport au rapport de base, ce qui induit l’inopposabilité des exceptions, un formalisme pointu et une rigueur ayant justifié que le législateur exclue les personnes physiques d’un tel engagement).

 

En l’espèce, tout en acceptant le principe que Monsieur Kana s’engage pour garantir le recouvrement du crédit qu’il s’apprête à faire à Monsieur Kouna, le banquier souhaite cependant que Monsieur Kana renonce à l’opposabilité des exceptions. Deux questions se posent alors.

 

La première est de savoir quel type de sûreté est ainsi visé par le banquier. Il convient pour y répondre d’observer que les différents éléments permettent d’observer que les qualifications de cautionnement et de garantie autonome sont envisageables (ce qui importe alors surtout, c’est le raisonnement du candidat, il peut faire son choix et bien motiver). Mais, il nous semble surtout que le banquier souhaite au fond que Monsieur Kana s’engage à payer la dette de Monsieur Kouna au cas où celui-ci serait défaillant. Cette considération majeure nous parait déterminante pour conclure que c’est à un cautionnement que le banquier fait allusion. Le cautionnement engage en effet la caution « à exécuter une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas lui-même » (art. 13 AUS).

 

La seconde question est alors de savoir si cette sûreté (cautionnement) peut être mise en place selon les modalités indiquées par le banquier. Il faut en effet se souvenir que le banquier exige notamment que la caution renonce à l’opposabilité des exceptions. Or, étant par essence un engagement à payer la dette d’autrui, le cautionnement serait dénaturé si la caution s’engageait à garantir l’exécution d’une obligation éteinte ou inexistante. L’opposabilité des exceptions, corolaire du caractère accessoire, est donc, nous semble-t-il de l’essence même du cautionnement[1]. Le contenu des alinéas 1 et 2 de l’article 29 AUS est clair : « 1. Toute caution ou tout certificateur de caution peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal et tendent à réduire, éteindre ou différer la dette sous réserve des dispositions des articles 17 et  23, alinéas 3 et 4 du présent Acte uniforme et des dispositions particulières de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif. 2. La caution simple ou solidaire est déchargée quand la subrogation aux droits et garanties du créancier ne peut plus s'opérer, en sa faveur, par le fait du créancier. Toute clause contraire est réputée non écrite ». Au regard de ces dispositions, il nous paraît raisonnable de dire que le cautionnement envisagé ne peut mis en place dans les modalités indiquées par le banquier.

 

En fin de compte, la banque décide d’accorder le crédit à Mr KOUNA à condition qu’il offre une sûreté sur sa résidence principale. La banque veut inclure une clause qui lui permettrait d’obtenir l’immeuble à l’échéance en cas de non-paiement.

 

5-                  Une telle clause serait-elle valable ? justifiez votre réponse.

6-                  Le créancier peut-il demander une attribution judiciaire ? justifiez votre réponse.

 

Éléments de réponse des questions 5 et 6 : L’une des innovations introduites dans la réforme du droit des sûretés OHADA en 2010 est la possibilité de contourner la saisie immobilière dans la phase de réalisation de l’hypothèque. Le législateur a en effet consacré des modes alternatifs de réalisation de l’hypothèque. Toutefois, ces modes sont conçus comme des exceptions, ce que traduit bien les conditions de leur mise en œuvre. Les parties qui entendent alors y recourir doivent veiller à ce que ces conditions soient bien respectées. Ces modes sont au nombre de deux : l’attribution judiciaire et l’attribution conventionnelle.

 

En l’espèce, ayant finalement pris la décision d’accorder du crédit à M. Kouna, le banquier souhaite plutôt qu’une hypothèque lui soit consentie sur la résidence principale de l’emprunteur. Deux questions se posent par la suite.

 

D’une part, se pose la question de savoir une clause d’attribution peut être valablement stipulée dans cette hypothèse. Il convient, pour bien répondre à cette question, de se référer à l’alinéa 1er de l’article 199 AUS qui dispose ce qui suit : « À condition que le constituant soit une personne morale ou une personne physique dûment immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier et que l'immeuble hypothéqué ne soit pas à usage d'habitation, il peut être convenu dans la convention d'hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l'immeuble hypothéqué ». Il  en ressort que pour qu’une telle clause soit valable, le constituant doit être une personne morale ou une personne physique régulièrement immatriculée au RCCM, ce qui n’est vraisemblablement pas le cas de Monsieur Kouna (employé dans une société d’assurance en l’état ; et même en qualité d’exploitant agricole, il ne sera pas d’office soumis à cette formalité). Par ailleurs, il faut que l’immeuble ne soit pas à usage d’habitation, or les faits indiquent qu’il s’agit bien de la résidence principale de M. Kouna, donc, d’un lieu d’habitation. Toutes les conditions, par ailleurs cumulatives, font défaut. Une telle clause ne peut dès lors être valablement stipulée en l’espèce.

 

D’autre part, se pose la question de savoir si, néanmoins, le banquier pourrait se faire attribuer ledit immeuble en justice, en cas de défaillance du débiteur. L’article 198 AUS qui consacre ce mode de réalisation de l’hypothèque au profit du créancier précise en son second alinéa que « cette faculté ne lui est toutefois pas offerte si l'immeuble constitue la résidence principale du constituant ». Or, les faits indiquent que l’immeuble concerné est la résidence principale du constituant. Logiquement donc, il ne sera pas possible de demander, et d’obtenir, une attribution judiciaire dudit immeuble.

 

 



[1] Dans le même sens, Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit des sûretés, 9ème édition (L. Aynès et P. Crocq), LGDJ, Lextenso-éditions, coll. Droit civil, n° 122. : « Ce qui signifie qu’un cautionnement qui ne serait pas accessoire ne serait pas un cautionnement. De même qu’une vente sans prix n’est pas une vente, le cautionnement dans lequel la caution s’engage indépendamment de l’obligation principale est inefficace, ou n’est pas un cautionnement ». cf. Ch. Mouly, Les causes d’extinction du cautionnement, nos 22 et s. Contra, D. Grimaud, Le caractère accessoire du cautionnement, PUAM, 2001, préf. D. Legeais, nos 396 et s.



15/05/2022
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